35 ans de modélisations de la nappe des calcaires de Champigny

Article rédigé par AQUI’ Brie, décembre 2015

La proximité de l’agglomération parisienne et l’accroissement de ses besoins en eau explique que dès les années 70 on se soit inquiété des capacités de production de la nappe des calcaires de Champigny. Les modèles mathématiques se sont ainsi succédés depuis 35 ans. Leur précision et leur représentation des phénomènes physiques (notamment l’alimentation de la nappe par les pertes en rivière et les gouffres) se sont améliorées à mesure que les chroniques de mesures de terrain se multiplient, et que les capacités de calcul des ordinateurs augmentent.

L’accroissement des besoins en eau de la banlieue parisienne à la fin des années 60 avec notamment les projets des villes nouvelles conduit les aménageurs du territoire à prendre en compte pour la première fois la capacité de production de la nappe des calcaires de Champigny.

Un Comité d’étude se constitue au début des années 1970 et le BURGEAP et le BRGM réalisent de 1973 à 1975 de nombreuses et précieuses mesures de terrain (suivis et cartes piézométriques, jaugeages de cours d’eau, bilan de nappe…). Ces données vont alimenter en 1979 un premier modèle mathématique, centré sur la basse vallée de l’Yerres, (partie Ouest de la masse d’eau) où s’effectuent alors l’essentiel des pompages. Bien que les hypothèses de calcul soient encore rustiques (seulement 2 couches, les calcaires de Champigny au sens strict et les niveaux inférieurs, estimation des pertes en rivière d’après les jaugeages), les simulations soulignent déjà que l’augmentation des prélèvements dans cette zone occidentale ne permet pas le maintien d’un débit   suffisant de l’Yerres à l’étiage.

En 1982, un nouveau groupe de travail réunit la Direction Régionale de l’équipement d’Ile-de-France, l’Agence financière de bassin Seine-Normandie (AESN), le Conseil général de Seine-et-Marne  , la Direction Départementale de l’Agriculture de Seine-et-Marne   (actuelle DDT), et les distributeurs d’eau concernés : Société des Eaux de Melun (filiale de la générale des Eaux, actuel Véolia), Lyonnaise des Eaux-RPS et Syndicat des communes de la banlieue pour l’électricité. Il est alors proposé de réduire de 20 000 m3/jour les pompages dans la basse vallée de l’Yerres et de créer de nouveaux champs captant entre l’Yerres et Melun à hauteur de 120 000 m3/jour. Si les scénarios de l’époque montrent qu’il ne faut pas concentrer ces 120 000 m3/jour dans un seul et même secteur, on ne semble en revanche pas soupçonner le possible impact de ces nouveaux prélèvements sur le débit   de l’aval de l’Yerres…

De nombreux captages sont forés et mis en service autour de l’agglomération melunaise entre 1976 et 1988, notamment ceux du Syndicat des Eaux d’Ile de France et de l’agglomération melunaise.

En 1989, le modèle est re-étalonné par la SAFEGE pour le compte de la Lyonnaise des Eaux, la Société des Eaux de Melun et l’Agence de l’Eau Seine-Normandie, et son maillage (figure ci-dessous) témoigne des secteurs considérés comme prioritaires. A l’issue des simulations en 1990, il est proposé d’autoriser des prélèvements à hauteur de 164 000 m3/jour sur la zone du modèle, ce qui revient à créer de nouveaux points de pompages dans la fosse de Melun, à hauteur de 60 000 m3/jour. Le modèle montre pourtant que l’équilibre est atteint « de justesse » en année moyenne, et que le secteur où la nappe du Champigny déborde pour contribuer au débit   de l’Yerres se transforme en zone de pertes dès la deuxième année sèche. Les ouvrages de ChampiSud et Boissise-la-Bertrand sont forés à proximité de la Seine en 1991-1992. Quant au plafond de 164 000 m3/jour, il est inscrit dans le SDAGE de 1996, malgré les bémols des modélisateurs.

Le maillage du modèle re-étalonné en 1989 (mailles de 635, 1270 et 2540 m de côté) (SAFEGE)

Suite à la période de sécheresse 1991-1993, le niveau de la nappe des calcaires de Champigny s’effondre et plusieurs communes seine-et-marnaises subissent des difficultés d’approvisionnement en eau potable. Un Comité des Usagers de la nappe se constitue en 1994 et aboutit en 2001 à la création de l’association AQUI’ Brie.

De nouvelles actions de connaissance sont lancées (réseau piézométrique   complémentaire du Conseil général de Seine-et-Marne  , cartes piézométriques, jaugeages de rivières, structure géologique du réservoir, historique des volumes pompés dans la nappe depuis 1988…). Ce travail aboutit en 2008 à la création d’un nouveau modèle mathématique, Watermodel. L’empilement des 7 couches géologiques est reproduit et l’outil simule pour la première fois, l’alimentation de la nappe par les pertes en rivière. 70 scénarios de simulation sont alors proposés et discutés par un groupe de travail qui réunit autour des acteurs régionaux de l’eau tous les usagers de la nappe, producteurs d’eau potable, agriculteurs et industriels. Cet exercice collégial a permis de faire comprendre à tous, les faibles marges de manœuvre dont on disposait pour rétablir le niveau de la nappe. Parmi les propositions de modulation des prélèvements, seule la réduction des pompages à hauteur de 140 000 m3/jr sur la zone Ouest en tension quantitative permet de garder un niveau de nappe au-dessus du seuil de vigilance 8 années sur 10 (critère de bon état quantitatif). Ce chiffre de 140 000 m3/jr est inscrit dans le SDAGE de 2009 et la partie Ouest de la nappe des calcaires de Champigny est classée en Zone de Répartition des Eaux  .

Le maillage de l’outil Watermodel (16 500 mailles de 1,2 km de coté) (AQUI’ Brie)

Référence : Reynaud A. (2009). Modélisation mathématique de la nappe des calcaires de Champigny avec le logiciel Watermodel, avril 2009, rapport AQUI’ Brie.
Ce rapport présente un historique des études hydrogéologiques réalisées depuis le début des années 1970 sur la nappe du Champigny, les caractéristiques du modèle, les simulations réalisées ainsi que les principales pistes d’amélioration de la gestion quantitative de la nappe.


Lien vers le site Internet AQUI’ Brie : tout sur la nappe de Champigny

A la fin des années 2000, les producteurs d’eau des captages de la fosse de Melun et de la Basse vallée de l’Yerres (captages Grenelle/prioritaires) sont invités à mettre en place des actions de protection de leurs captages vis-à-vis des pollutions diffuses, qu’il s’agisse de nitrates ou de pesticides. Dans le cadre d’une thèse, l’Ecole des Mines s’appuie principalement sur les données acquises par AQUI’ Brie pour développer à partir de 2010 un nouveau modèle à 5 couches, plus fin et prenant en compte les pertes en rivière. Le couplage d’un modèle hydrogéologique (MODCOU) avec un modèle agronomique (STICS) permet de modéliser à partir des pratiques agricoles le transfert des nitrates vers les cours d’eau et les nappes. Cela permet d’évaluer l’impact de changements de pratiques agricoles. Le modèle a confirmé l’importance des échanges nappes-rivières dans le fonctionnement de la nappe et particulièrement sur les Aires d’Alimentation des Captages (AAC) de la fosse de Melun et de la basse vallée de l’Yerres.

Le développement d’une méthodologie spécifique a permis d’identifier les zones les plus contributives à l’alimentation des captages, méthodologie mentionnée dans la révision du guide méthodologique de délimitation des AAC en 2014 (Rapport BRGM/RP-63311-FR). Dans le cadre de cette thèse, l’outil n’a pas été exploité pour la gestion quantitative.

Le maillage du modèle Armines (132 091 mailles de 1 km de coté en zone de plateau à 125 m dans les vallées) (Mines - ParisTech)

Référence : Sandra Bellier. Modélisation de la contamination nitrique de la nappe des calcaires de Champigny : Application à la protection des captages prioritaires de la fosse de Melun et de la basse vallée de l’Yerres. Other. Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris, 2013. French. NNT : 2013ENMP0072. pastel-00973876.

Liens vers la thèse :

A partir de 2014, le modèle Armines est mis à jour et enrichi grâce notamment aux actions de connaissance menées par AQUI’ Brie sur la nappe superficielle du Brie (nouveaux suivis de débit   de sources ou cours d’eau drainant la nappe du Brie depuis 2010, récupération de suivis piézométriques de différents acteurs locaux dont des industriels). L’introduction de ces nouvelles données permet de mieux contraindre les échanges entre Brie et Champigny dans le modèle et de le recaler sur la base de ces nouveaux éléments. Le modèle a désormais vocation à s’enrichir des actions de connaissance, ainsi qu’à susciter des actions de connaissance dans les zones au fonctionnement encore insuffisamment bien reproduit. Les scénarios prospectifs doivent être discutés au sein du Forum du Champigny, lieu de concertation et laboratoire d’idées sur la nappe du Champigny associant l’ensemble des acteurs concernés par la préservation de ce patrimoine commun.

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