Fond géochimique ou « pollution d’origine naturelle » des eaux du Bassin Seine-Normandie

La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) oblige l’atteinte d’un bon état de toutes les masses d’eau et fixe des seuils de concentrations à ne pas dépasser, notamment en ce qui concerne les éléments traces métalliques, métalloïdes et minéraux. Toutefois, certaines masses d’eau contiennent naturellement ces éléments traces du fait du lessivage de certaines roches qui contiennent ce type d’éléments. Ainsi, le fond géochimique définit la part de substances présentes dans l’eau qui est simplement due à cet apport naturel. Si cette teneur est élevée, les seuils limites de qualité environnementale peuvent être revus à la hausse afin que les collectivités ne soient pas pénalisées. Car aucune mesure préventive ne pourrait être mise en place pour diminuer cette « pollution naturelle ».

Définition

Les éléments chimiques constitutifs de l’eau souterraine peuvent être des métaux, des métalloïdes, des minéraux et des molécules organiques, naturelles ou de synthèse issues de l’activité de l’homme (pression anthropique).Les substances naturelles sont acquises par l’eau souterraine lors de son transport et de son stockage dans les roches aquifères. Cet enrichissement chimique de l’eau dépend donc directement de la géologie d’un secteur géographique. On parle alors de fond géochimique.
Les substances généralement considérées pour l’évaluation d’un fond géochimique sont : l’arsenic, le baryum, le bore, le fluor, le cadmium, le chrome, le mercure, le cuivre, le nickel, le plomb, le zinc, l’antimoine, le sélénium, l’aluminium, l’argent, le fer et le manganèse.

Principe de détermination du fond géochimique

Lorsque des analyses d’eau (superficielle ou souterraine) mettent en évidence des teneurs élevées en métaux, métalloïdes ou minéraux, on cherche à déterminer l’origine de la pollution. Pour ce faire, les prélèvements et analyses sont multipliés. Cela permet de mettre en évidence les variations de teneur dans l’espace et dans le temps (entre hautes-eaux et basses-eaux) et ainsi de faire des corrélations avec la provenance possible de la pollution. Dans le cas de la détermination du fond géochimique d’un secteur, il est nécessaire de disposer d’analyses d’eau provenant de lieux non affectés par les activités humaines. Cela permet en effet de connaitre la chimie que l’eau a acquise au contact de la roche et des sédiments et sans impact de rejets d’origine anthropique. Par la suite, on cherche à définir les origines naturelles possibles pour les éléments qui posent problème.
Premièrement la connaissance de la géologie et les données bibliographiques permettent de déterminer des zones qui sont potentiellement impactées par un fond géochimique élevé. En effet, les régions de socles (granites, gneiss etc.) telles que le Morvan, les Ardennes ou le Cotentin présentent un risque plus élevé que les régions sédimentaires, du fait de la composition même des roches. Il arrive toutefois que des zones sédimentaires particulières (contenant des minéralisations ou influencées par des eaux qui lessivent ces minéralisations) présentent des teneurs en métaux localement élevées.
Par la suite, les observations sur la géologie et la composition prédictive des roches peuvent être complétées par des analyses de sols.
La difficulté réside dans le fait que ces analyses sont relativement rares ; d’autant plus que les sols doivent être représentatifs de l’état naturel, c’est à dire sans influence de l’activité humaine. C’est pourquoi, lorsque des campagnes de prélèvements, visant la détermination du fond géochimique, sont réalisées, les échantillons sont prélevés, autant que faire se peut, dans des vallées non anthropisées.
Couplé aux analyses de sol, un grand nombre d’analyses d’eau est réalisé. Les prélèvements se font au niveau des cours d’eau principaux et de chacun de leurs affluents afin de localiser la provenance exacte (petit bassin versant) des éléments traces détectés.

Le Fond Géochimique sur le Bassin Seine Normandie

Deux études ont été réalisées à l’échelle du bassin Seine-Normandie :

(NB : La détermination des fonds géochimiques présentés ci-dessous s’appuie sur les informations disponibles en littérature et bases de données. Elles ne sont pas le résultat de campagnes de terrain réalisées à cette fin.)

Les données bibliographiques sur les analyses déjà réalisées, sur la géologie ainsi que les études réalisées pour déterminer le fond géochimique permettent de définir des zones présentant potentiellement un fond géochimique plus ou moins élevé. En fonction de la quantité de données disponible, de confiance plus ou moins fort est attribué aux zones définies. Par ailleurs, l’absence de fond géochimique sur une grande partie du bassin Seine Normandie est inhérente soit à l’absence réelle d’anomalies chimiques, soit à un manque de données sur le secteur. Ci-après sont définies les zones pour lesquelles il existe suffisamment d’informations pour attribuer un fond géochimique plus ou moins fort. Les indices de confiance sont variables.

  1. Fond géochimique à indice de confiance élevé
    • Bordure sédimentaire ouest du Morvan
      Sur la bordure ouest du Morvan, dans les terrains sédimentaires du Trias et du Lias (grès  , argiles et marnes), peu de données sont disponibles, mais la cohérence de ces données et leur uniformité mènent à la détermination d’un fond géochimique élevé avec un indice de confiance fort pour le fluor, l’arsenic et le plomb. Ce fond géochimique est le résultat de la présence de ces éléments dans les niveaux silicifiés de l’infra-Lias. Toutefois, ce n’est pas ces niveaux qui sont directement captés. C’est donc à la faveur de failles que l’eau passe de ces terrains minéralisés à des terrains non minéralisés. Les occurrences de concentrations élevées en métaux dans le Trias sont donc tributaires de la répartition des minéralisations et de leur relation avec les failles.
    • Eocène et Oligocène du centre du Bassin Parisien
      Ces terrains présentent de grandes variations de faciès, ce qui rend difficile la délimitation exacte des aquifères. Des anomalies en fluor et en sélénium sont mises en évidences à partir d’un grand nombre de données sur ces zones. Ainsi, un indice de confiance élevé est attribué à un fond géochimique important pour ces deux éléments. Les teneurs élevées s’expliquent par un phénomène de formation de ces roches bien connu des géologues miniers. Il s’agit des « roll-type deposits » ; Ce type de dépôt a lieu en milieu continental dans des contextes physico-chimiques particuliers (front d’oxydoréduction entre des eaux oxydées et un milieu réducteur). Par l’effet de drainages, les métaux peuvent migrer et se répandre dans une part importante de la nappe en affectant des terrains dans lesquels il n’aurait pas été prévisible d’en trouver.
      Concernant les eaux de surface, c’est-à-dire la Seine, seule la partie amont peut faire l’objet d’une détermination du fond géochimique car sur le reste du fleuve l’activité humaine a une influence trop importante sur la qualité de l’eau. Ainsi, seul le drainage du Morvan pourrait éventuellement générer un fond géochimique en certain éléments. Toutefois, il a été montré (Roy et al., 1999) que l’influence des métaux contenus dans les roches du Morvan est négligeable sur la chimie de l’eau de la Seine.
  2. Fond géochimique à indice de confiance moyen
    • Cotentin sédimentaire
      La partie nord de l’aquifère   du Bathonien-Bajocien de la Plaine de Caen et du Bessin présente des concentrations anormalement élevées en fluor. Toutefois, ces données ne sont pas argumentées en littérature. Il est donc attribué un fond géochimique élevé en Fluor pour cette entité, avec un indice de confiance moyen. Par ailleurs, des concentrations en plomb sont également référencées mais leur caractère ponctuel semble déterminer une origine anthropique plutôt qu’une origine naturelle.
  3. Fond géochimique à indice de confiance faible
    • Terrains sédimentaire du Nivernais nord
      Dans la continuité de la bordure nord du Morvan, un fond géochimique en plomb a pu être déterminé. Il lui est toutefois attribué un indice de confiance faible car les occurrences sont très localisées et les valeurs observées sont très variables.
    • Socle du Morvan et sa bordure sédimentaire (nord-est)
      Bien que peu de données soient disponibles, on peut considérer que, sur la bordure sédimentaire du Morvan, quel que soit l’aquifère  , les concentrations en métaux sont avant tout tributaires des minéralisations et de leur relation avec les failles. Ainsi, le fond géochimique peut être localement élevé, notamment en fluor, arsenic et plomb. Ces mêmes éléments peuvent aussi constituer un fond géochimique élevé sur la partie granitique du Morvan.
    • Socle du Cotentin
      Sur l’aquifère   du socle du bassin versant des cours d’eau côtiers, un fond géochimique élevé avec un niveau de confiance faible peut être attribué. L’indice de confiance justifié par le fait qu’il n’existe pas d’étude régionale en littérature. Tout comme pour la partie sédimentaire du Cotentin, des teneurs en plomb relativement élevées sont constatées, mais le caractère ponctuel (dans le temps) de ces teneurs ne permet pas de définir une origine naturelle pour cet élément, bien que des filons de minerais de plombs puissent exister dans les roches de la région.
Délimitation des zones à risques de fond géochimique élevé en éléments traces (BRGM/RP-55346-FR)

Bibliographie
La bibliographie spécifique sur le fond géochimique est consultable sur l’espace Bibliographie du SIGES.

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Fond géochimique

  • Cible : Expert Fond géochimique ou « pollution d’origine naturelle » des eaux du Bassin Seine-Normandie