Aquifères de l’Albien et du Néocomien

Présente sous les 2/3 du bassin de la Seine, l’aquifère   de l’Albien-Néocomien du Bassin Parisien est une nappe d’eau souterraine captive profonde, contenant d’importantes réserves d’eau de bonne qualité, estimées à environ 700 milliards de m³

Les nappes de l’Albien et du Néocomien sont présentées de façon synthétique sur le site internet de la DRIEE-IF

Sommaire de l’article :

  1. Les nappes de l’Albien et du Néocomien, des nappes captives stratégiques pour le bassin Seine-Normandie
  2. Deux réservoirs distincts, plus ou moins séparés…
  3. Quelles sont les grandes caractéristiques de la nappe de l’Albien ?
    1. Caractéristiques géologiques et tectoniques
    2. Une nappe qui devient captive au centre du bassin
    3. Évolution de la nappe de 1840 à nos jours
    4. Comment la nappe est-elle alimentée ?
    5. Les exutoires naturels
  4. La nappe du Néocomien
    1. Une nappe captive, sans affleurements
    2. Un système hydrogéologique unique
    3. L’alimentation de la nappe

Les nappes de l’Albien et du Néocomien, des nappes captives stratégiques pour le bassin Seine-Normandie

Les nappes de l’Albien et du Néocomien couvrent les deux tiers du Bassin Parisien. La profondeur des réservoirs augmente des bordures vers le centre pour atteindre jusqu’à –800 m en Seine-et-Marne  . Ces nappes captives sont donc particulièrement bien protégées des pollutions de surface au centre du bassin et sont par conséquent, de très bonne qualité.

La réserve en eau est importante, de l’ordre de 655 milliards de m3, mais son renouvellement est très faible, avec un temps de séjour moyen de plusieurs milliers d’années.

Cette ressource constitue donc une réserve stratégique d’eau potable à l’échelle de la région Ile-de-France et du bassin Seine-Normandie : elle est considérée comme une ressource ultime pour l’alimentation en eau potable en cas de crise majeure dans le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Seine-Normandie.

Deux réservoirs distincts, plus ou moins connectés…

En terme de réservoirs d’eau souterraine, les aquifères multicouches de l’Albien et du Néocomien sont séparés :

  • L’aquifère   de l’Albien est, par sa puissance, son extension et ses réserves en eaux souterraines, le plus important du Crétacé inférieur. Il est constitué de trois formations sableuses plus ou moins bien séparées par des formations semi-perméables : sables de Frécambault, sables des Drillons et sables verts.
  • L’aquifère   du Néocomien est constitué de séries argilo-sableuses plus ou moins bien individualisées montrant d’importantes variations latérales de faciès. Les faciès calcaires du sud-est ne sont pas considérés comme aquifères.

Les aquifères de l’Albien et du Néocomien sont en communication hydraulique, bien que séparés par les argiles aptiennes.

Puissance et faciès des formations de l’Albien-Aptien (d’après MEGNIEN, 1980)

Quelles sont les grandes caractéristiques de la nappe de l’Albien ?

Caractéristiques géologiques et tectoniques

La nappe de l’Albien est contenue dans des dépôts terrigènes (sables et argiles) déposés entre une phase importante de déformation du Bassin Parisien à l’Aptien et le grand ennoiement marin du Cénomanien qui amène la sédimentation crayeuse du Crétacé supérieur. Les récents travaux sur la stratigraphie   de l’Albien (Amédro F. & Matrion B., 2014 ; Guillocheau et al., 2000 ; Sévenier M. et Lasseur E., 2016), et notamment les travaux de corrélation en stratigraphie   séquentielle permettent d’avoir une bonne approche des environnements de dépôt des corps sableux et argileux au cours de l’Albien.

Carte paléogéographique du bassin anglo-parisien et des régions voisines à la base de l’Albien moyen (Sables des Drillons et Sables de Frécambault) d’après Amédro F. et Matrion B., 2014

Le toit de l’Albien est constitué par les argiles de Gault, qui sont présentes sur l’ensemble de l’emprise des dépôts de l’Albien, et constituent un toit imperméable.

Les dépôts de l’Albien sont affectés par des failles qui peuvent générer des décalages verticaux importants, et constituer des barrières étanches ou au contraire des drains. Les déformations et structures faillées les plus importantes affectant l’Albien sont :

  • L’anticlinal faillé du Bray
  • La faille de Fécamp-Lillebonne
  • La faille de Seine
  • L’anticlinal de Villequier et la faille de Triquerville.

Une nappe qui devient captive au centre du bassin

La nappe de l’Albien est libre au niveau des affleurements du sud et de l’est du bassin et du Pays de Bray puis devient captive sous les argiles du Gault vers le centre du bassin, jusqu’à de très grandes profondeurs (600 mètres sous Paris).

Dans les zones peu exploitées, la nappe est encore artésienne  .

Le caractère captif de la nappe de l’Albien est, avec sa faible minéralisation, un des intérêts majeurs qui en font une nappe stratégique. En effet les eaux sont ainsi protégées des pollutions éventuelles et autres influences anthropiques.

Évolution de la nappe de 1840 à nos jours

Plusieurs piézométries ont été réalisées au cours des dernières décennies. On pourra citer notamment les travaux du BRGM, 1997 ; de Y. Raoult, 1999 ; la modélisation de l’Albien par le BRGM en 2015 (rapport BRGM RP-64873-FR). La dernière piézométrie en date est celle réalisée par le BRGM en 2018 (rapport BRGM RP-68536-FR).

Carte piézométrique de l’Albien, BRGM, 2018

Depuis 1841 et le premier forage   à l’Albien (le forage   de Grenelle, qui est aussi le premier forage   profond au monde, avant les forages pétroliers), il faut souligner une importante modification de la piézométrie à cause de l’exploitation intense de l’aquifère   albien en région parisienne : un cône de dépression piézométrique   est en effet progressivement apparu au centre du Bassin Parisien, avec un minimum à + 20 mètres dans les années 1940 (d’après Lauverjat, 1989). Les modalités de gestion de cette nappe mises en place dès les années 1930, faisant suite à une surexploitation, en font un exemple de politique de gestion de nappe stratégique. La limitation des pompages par différents décrets et arrêtés (et dernièrement les SDAGE) tend à faire augmenter sensiblement les niveaux piézométriques depuis quelques dizaines d’années. Le caractère artésien s’accentue aussi progressivement et d’anciens forages se retrouvent aujourd’hui artésiens.

Evolution de la piézométrie de l’Albien : Piézométrie de la nappe de l’Albien (cote en m NGF)
a et e d’après Raoult, 1999 ; b, c et d d’après Lauverjat, 1989 ; f d’après Dupaigne et al, 2019. Fond : données IGN (MNT25, cours d’eau et départements)
Historique des prélèvements à l’Albien et chronique piézométrique
Vert : données de Lauverjat [1967] issues des archives des exploitants (estimation à 10% d’incertitude) Bleu : données de Raoult [1999] et Contoux [2013] réinterprétées d’après Lauverjat [1967 et 1989], pour l’Ile de France ; Orange : données de Seguin et al [2015] pour l’ensemble du bassin de Paris, d’après Lauverjat [1967] et Raoult [1999], complétées avec les données des redevances (sources : Agence de bassin et Direction Régionale) ; Rouge : données recueillies en 2019 (source : Direction Régionale et Agence de l’Eau) ; Triangle : Puits   de Grenelle (d’après Lemoine et al, 1939) ; carrés pleins : Passy (Paris XV) ; losanges vides : ORTF (Paris XVI) ; Ronds pleins : Forage   Say (Paris XIII)

Évolution piézométrique   de l’Albien captif

En partie captive, les tendances piézométriques observées au niveau des piézomètres suivis présentent une chute globale dès 1984 qui s’est ensuite atténuée et une remontée progressive depuis 1992 du fait des diminutions de prélèvements.

Evolution piézométrique de la nappe de l’Albien au piézomètre 01837A0096/F2 dans le 13e arrondissement de Paris – au centre du bassin (ADES)

Évolution piézométrique   de l’Albien libre

Dans la partie libre, les niveaux piézométriques varient peu d’une année à l’autre, les battements interannuels sont limités à 2-4 m, influencés par les pluies efficaces.

Evolution piézométrique de la nappe de l’Albien au piézomètre 02645X0038/D601 à Louze, Haute-Marne – Albien-néocomien libre entre Seine et Ornain (ADES)

Comment la nappe est-elle alimentée ?

L’alimentation de la nappe de l’Albien et du Néocomien reste un sujet controversé. Les conclusions des différents rapports de référence concernant l’alimentation de l’Albien (en régime permanent naturel pour les modèles) peuvent être résumés comme suit.

  • Thèse Lauverjat, 1967  : La recharge se fait principalement par les affleurements, mais peu de données pour étayer les phénomènes de drainance et les vitesses d’écoulement
  • BRGM rapport n°71 SGN 304 HYD (Vuillaume, 1971)  : L’âge des eaux contenues dans la nappe de l’Albien n’est pas systématiquement corrélée à la distance aux affleurements. L’alimentation se fait préférentiellementau travers du toit par drainance
  • Modèle Raoult, 1999  : Recharge par les affleurements : 78% / Recharge par drainance ascendante depuis le Néocomien : 22%
  • Modèle Hydroexpert, (Marti, 2000)  : Recharge par les affleurements : 42% / Recharge par drainance ascendante depuis le Néocomien : 8% / Recharge par drainance descendante depuis le Cénomanien : 11% / Recharge par drainance descendante depuis la craie   : 37%
  • Modèle BRGM Rapport RP-64873-FR (Seguin et al., 2015)  : Recharge par les affleurements : 55% / Recharge par drainance ascendante depuis le Néocomien : 7% / Recharge par drainance ascendante depuis le Tithonien : 7% / Recharge par drainance descendante depuis la craie   : 31%

Les principaux exutoires naturels

D’après les principales études et les derniers travaux (2018 et 2019), les zones d’extutoire de la nappe de l’Albien peuvent être mises en évidence.
En Normandie, la nappe de l’Albien est vraisemblablement drainée par les cours d’eau :

  • de la Touque et de ses affluents,
  • de la Risle de Pont-Audemer à Verville-sur-Mer, et
  • de la Seine au niveau de l’anticlinal de Vernon, dans la boucle de Rouen, à Villequier ainsi que de Marais-Vernier au Havre.

Ces secteurs, où les sables de l’Albien sont à l’affleurement ou reposent directement sous les alluvions  , constituent des exutoires importants de la nappe comme en témoignent l’amplitude des dépressions piézométriques associées.
La Somme constitue un exutoire comme l’implique la présence d’un thalweg piézométrique  .
L’interpolation de 2018 met en évidence une vidange de la nappe de l’Albien au niveau de l’estuaire de la Seine et entre le cap de la Hève et le cap d’Antifer. Toutefois, au nord de la faille de Lillebonne, la nappe de l’Albien n’est a priori plus drainée par la mer en bordure du littoral (voir rapport BRGM RP-68536-FR).
Les données sismiques récentes (Paquet et al., 2014), produites dans le cadre de la mise à jour de la cartographie géologique de la baie de Seine, ont permis de localiser plus précisément les zones d’affleurement de l’Albien en mer. Ces nouveaux résultats tendent à indiquer que l’Albien reste captif au large de Fécamp, et que le compartiment nord de la faille de Fécamp-Lillebonne, supposée étanche comme dans la craie  , ne pourrait se vidanger véritablement qu’au large à 25 km des côtes.

La nappe du Néocomien

Une nappe captive, sans affleurements

La formation des sables du Néocomien est aquifère  , avec une perméabilité irrégulière mais avec des taux d’argiles plus ou moins élevés. Il s’agit d’une nappe captive, sans affleurement.
La nappe des calcaires de l’Hauterivien, libre au niveau des affleurements sur les bordures est et sud du bassin, devient captive vers le nord sous les argiles barrémiennes.

Les faciès calcaires du sud-est du bassin ne sont pas considérés comme aquifères. Toutefois le calcaire   à Spatangues de l’Hauterivien présente une perméabilité de fractures, notamment en Bourgogne. En Lorraine, l’aquifère   des calcaires à Spatangues hauteriviens est présent quand la base de l’étage est marneux (niveau conglomératique ferrugineux de 2 mètres), mais peu important (BRGM, 1997).

Un système hydrogéologique unique

Les aquifères du Néocomien et de l’Albien se comportent comme un système unique. Le transitoire de plus de 150 ans depuis la mise en exploitation induit une baisse de la piézométrie du Néocomien de 50 mètres en région parisienne (110 mètres pour l’Albien) (Raoult, 1999).

Les courbes piézométriques de l’Albien et du Néocomien sont similaires au niveau des affleurements en bordure est et sud-est du bassin puis se décalent en convergeant vers Paris. Les gradients hydrauliques du Néocomien sont plus faibles que ceux de l’Albien. Entre les affleurements et Paris, le gradient est d’environ 0.4 % (BRGM, 1997).

En 1997, une carte piézométrique de la nappe du Néocomien a été réalisée à partir de 76 points de mesure dont la plupart sont des niveaux statiques mesurés sur des forages d’eau. Il s’agit de données non synchrones (BRGM, 1997).

L’alimentation de la nappe

Les sables du Néocomien peuvent être en communication avec les calcaires du Jurassique sous-jacents. L’écran constitué par les Marnes noires du Berriasien est présent uniquement au niveau du seuil de Bourgogne.

Pour en savoir plus :

L’article sur les « spécificités de gestion des nappes de l’Albien et du Néocomien »

Modélisation de l’Albien par le BRGM en 2015 : rapport BRGM RP-64873-FR

Carte piézométrique réalisée par le BRGM en 2018 : rapport BRGM RP-68536-FR

Des fiches synthétiques BDLISA décrivant les aquifères de l’Albien et du Néocomien sont disponibles :

La bibliographie spécifique aux nappes de l’Albien et du Néocomien est consultable sur l’espace Bibliographie du SIGES.

Les cartes piézométriques de l’aquifère de la Albien / Néocomien sont téléchargeables depuis l’article « Isopièzes de l’Albien / Néocomien (Crétacé inférieur) »

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