Source des Brévilles

La source des Brévilles est située dans le nord-ouest du Val d’Oise (95). Il s’agit d’une résurgence naturelle de la nappe des Sables de Cuise captée pour l’alimentation en eau potable des communes limitrophes de Montreuil-sur-Epte et de Buhy.

Cet article a pour vocation de présenter une synthèse des études et suivis réalisés sur la source des Brévilles suite à sa contamination en phytosanitaires.

  1. Une étude pour comprendre la pollution de la source des Brévilles
  2. Etat des connaissances avant le début de l’étude
  3. Des partenariats variés
  4. Synthèse des actions menées depuis 2000
  5. Résultats
  6. Conclusions et perspectives

Une étude pour comprendre la pollution de la source des Brévilles

L’utilisation de la source des Brévilles pour l’alimentation en eau potable des communes de Montreuil-sur-Epte et Buhy a été remise en cause en 1999 parce qu’une contamination à l’atrazine et à la dééthylatrazine (principal produit de qégradation de l’atrazine) y est avérée depuis plusieurs années (données ARS (ex DDASS) citées dans Paranthoen -1999- et suivi ARS (ex DDASS,) 2000 et 2001).
Dans le cadre du groupe régional Ile-de-France « Pollution des eaux par les produits phytosanitaires », sous-groupe 4 : « expérimentation sur site », l’étude de la source des Brévilles a donc été retenue. Les quelques informations disponibles au début de l’étude (décembre 1999) laissent penser que le site de Montreuil-sur-Epte constitue une unité hydrogéologique de taille restreinte (environ 3 km2) sans interaction avec des eaux superficielles, présentant un fonctionnement hydrodynamique a priori assez simple. Les usages en phytosanitaires sont exclusivement agricoles et six agriculteurs seulement sont localisés sur le bassin hydrogéologique supposé. Aucun corps de ferme ne se trouve sur le site : le risque de pollution ponctuelle est donc réduit.
Les agriculteurs présents sur le bassin ont accepté de modifier leurs pratiques culturales. Depuis avril 1999, les apports d’atrazine ont été totalement exclus. Un programme de substitution a été mis en place et le désherbage est effectué à l’aide d’acétochlore (molécule homologuée en France en 2000), en association avec d’autres molécules comme par exemple le bromoxynil.

Etat des connaissances avant le début de l’étude

D’un point de vue géologique, le secteur étudié se trouve sur le flanc ouest de l’anticlinal de La Chapelle-en-Vexin. Les formations d’âge tertiaire rencontrées sont essentiellement des calcaires bartoniens et lutétiens surmontant des sables et grès   de l’Yprésien. Localement, des limons quaternaires recouvrent ces formations et il est également possible de trouver des grès   et meulières du Stampien (essentiellement sur la partie amont du bassin).
La nappe se trouve dans les sables de Cuise, elle est supposée libre.
La source des Brévilles, qui constitue un exutoire de la nappe, est utilisée pour l’alimentation en eau potable des communes de Montreuil-sur-Epte et de Buhy (95). Les émergences diffuses au niveau de la source sont recueillies par un système de drains au niveau d’un réservoir enterré d’environ 5 m de profondeur. L’eau de ce réservoir est pompée, généralement la nuit, pour être distribuée après stockage au niveau d’un réservoir tampon. Seul un traitement au chlore est effectué avant la distribution de l’eau.

Des partenariats variés

Partenaires

Dans le cadre de ses actions de recherche sur le transfert des phytosanitaires, le BRGM a financé pour partie les travaux menés sur le site.
L’Union Européenne a supporté également le projet par l’intermédiaire des projets PEGASE (finalisé en 2003 - Pesticide in European Groundwaters : detailed study of representative Aquifers and Simulation of Possible Evolution scenarios) et AquaTerra (finalisé en 2009 - Integrated modelling of the river - sediment - soil -groundwater system ; advanced tools for the management of catchment areas and river basins in the context of global change).
L’Agence de l’Eau Seine-Normandie, pour le suivi et l’étude du transit des phytosanitaires, a contribué au financement de ce projet à son démarrage (2000-2004) et entre 2009 et 2011.
Tout au long de ces années, des collaborations, plus ou moins longues et importantes ont eu lieu avec la chambre d’agriculture d’Ile-de-France et l’INRA d’Orléans. Le conseil général du Val-d’Oise a supporté financièrement chaque année la substitution de l’atrazine jusqu’à son interdiction nationale, et le conseil régional d’Ile-de-France a cofinancé, avec l’Agence de l’eau Seine-Normandie, le changement de matériel des agriculteurs en 2000.

Synthèse des actions menées depuis 2000

Les investigations menées dans le cadre de projets qui se sont succédés pendant plus d’une décennie ont permis d’acquérir une multitude de données notamment hydrogéologiques, hydrométriques, pédologiques et spécifiques au comportement des produits phytosanitaires.

Amélioration des connaissances géologiques et hydrogéologiques

  • Réalisation de piézomètres : Plusieurs campagnes de forage   se sont succédé sur le site
    Bassin d’alimentation des principales sources (BRGM)
  • Fonctionnement hydrodynamique du système
    • Mesures de débit   : Entre 2000 et 2011, des mesures de débit   ont été effectuées en continu à l’aval de la source des Brévilles.
    • Suivi pluviométrique : des pluviomètres ont été installés dans le cadre des projets européens sur le bassin hydrogéologique. Hors de ces périodes, les données pluviométriques exploitées correspondent aux données de MétéoFrance acquises à Buhy
    • Suivi piézométrique   : le suivi piézométrique   est effectué sur les piézomètres installés depuis 2001
    • Réalisation d’analyses chimiques : des analyses des eaux ont été réalisées pour les ions majeurs, tels que les chlorures, les nitrates ou le sodium, mais également pour le tritium (isotope de l’hydrogène entrant dans la constitution de la molécule d’eau), et les phytosanitaires (notamment l’atrazine et le dééthylatrazine (son produit de dégradation), l’acétochlore et l’acide oxanilique de l’acétochlore (OXA acétochlore) et l’acide éthane sulfonique de l’acétochlore (ESA cétochlore) (ses produits de dégradation)).
    • Traçages : Quatre traçages ont été réalisés à partir de quatre piézomètres situés à environ 200 m de la source en novembre 2005.
      Tableau récapitulatif des traçages du 8 et 9 novembre 2005 (BRGM)
  • Prospections géophysiques : Dans l’objectif de compléter la connaissance hydrogéologique et géologique du bassin, deux types de prospection géophysique ont été appliqués à Montreuil-sur-Epte. Il s’agit d’une part de la méthode par « résonance magnétique protonique » ou RMP qui permet en particulier d’obtenir une cartographie approximative du toit de la nappe (campagnes effectuées entre 2000 et 2001), et d’autre part de la méthode des « panneaux électriques » qui met en évidence les discontinuités structurales (campagnes réalisées entre 2003 et 2004).

Etude de la dégradation et du transfert de l’acétochlore et ses dérivés dans les sols

  • Pendant les deux années culturales 2000 et 2001, deux parcelles présentant des sols contrastés (un luvisol correspondant à un sol limoneux épais et un sol court caillouteux) ont été instrumentées de manière à caractériser le transfert de l’acétochlore et de ses deux principaux métabolites (ESA et OA) dans le sol, au maximum jusqu’à un mètre de profondeur.
  • Le temps de transfert dans la zone non saturée a été évalué grâce à la réalisation de profils tritium dans la zone non saturée à partir de l’eau extraite des solides, mesure du tritium dans les eaux prélevées dans les différents piézomètres et application de traceurs comme les CFC (chlorofluorocarbones).
  • Etude de la dégradation de l’acétochlore : des expérimentations en laboratoire et in situ ont été menées

Modélisation des transferts d’eau en 2005

Des modélisations des transferts d’eau ont été réalisées à l’aide du code MARTHE en 1D vertical depuis la surface du sol jusqu’au bas de la zone non saturée en régime transitoire, en 2D horizontal (système monocouche de la zone saturée en régime permanent) et 2D en coupe (système en régime transitoire couplant la zone non saturée - dont le sol - et la zone saturée). Le transport d’acétochlore au travers d’un sol type a été simulé en 1D en régime transitoire.

Evaluation des stocks d’atrazine dans le sol

Au printemps 2006, les parcelles connues comme ayant reçues au moins une fois de l’atrazine ont été échantillonnées (Mouvet et al., 2007).

Résultats

Détermination du contexte géologique et hydrogéologique

Les informations géologiques collectées par les ouvrages installés sur la zone d’étude, réalisés en partie en carottage, ont été complétées par des campagnes géophysiques. De cette manière, la surface piézométrique   a été dessinée et le bassin d’alimentation de la source a été estimé à environ 4 km2.
La perméabilité de l’aquifère   a été estimée grâce à des pompages d’essais entre 5.10-4 et 4.10-5 m/s, les valeurs les plus fortes se situant à proximité de la source.

Chroniques des niveaux piézométriques (niveaux sous la surface du sol) pour les PZ2 à PZ7 enregistrées jusqu’à décembre 2011 (BRGM)

Traçage

Seuls deux traçages ont été restitués à la source. Les traceurs injectés dans le Pz19 et le Pz4 n’ont pas été restitués probablement à cause d’une vitesse d’écoulement très lente et/ou d’une forte adsorption par le milieu poreux.
L’iodure de sodium injecté dans le Pz17b, ouvrage qui concerne la partie supérieure des sables aquifères a été observé à la source à partir du 16 novembre 2005 (8 jours après l’injection). Alors que le pic de traceur disparaissait, un deuxième pic est apparu avec une durée de convection de 270 jours. Ce phénomène est interprété comme résultant de deux vitesses de circulation dans le milieu souterrain, l’une rapide, capable de propager le traceur sans l’étaler, l’autre très lente. Le traceur n’était plus perceptible après décembre 2007.

L’uranine injectée le 9 novembre 2005 dans le piézomètre Pz17c qui capte la partie inférieure de la nappe des sables a mis beaucoup plus de temps pour apparaitre de façon nette à la source, confirmant que la partie inférieure de la nappe est nettement moins perméable que sa partie supérieure. Le suivi de la restitution du traçage s’est poursuivi jusqu’en décembre 2011. Le traceur apparait à partir de huit mois après l’injection en juin 2006. Il disparait de la source cinq ans plus tard, en juin 2011
Ces résultats permettent de conclure que la configuration de la source est assimilable à un écoulement radial.

Temps de transfert de l’eau dans la zone non saturée

La réalisation des profils tritium a montré que les âges apparents rencontrés dans les eaux souterraines de ce bassin sont relativement anciens, généralement de plus d’une décennie (Baran et al., 2005).
Cela signifie que le temps de transfert de l’eau dans la zone non saturée est relativement long. De plus, des essais réalisés en laboratoire sur des solides ont montré que les pesticides pouvaient être retardés comparativement à l’eau, indiquant que le temps de transfert des solutés pouvait encore être allongé (Surdyk et al.,2008).
Le suivi du niveau de la nappe dans les piézomètres installés sur le site est remarquable par la forme lisse des séries temporelles.
Pratiquement aucune fluctuation saisonnière n’est décelable sur ces mesures régulières qui traduisent une très forte inertie du système. Cette inertie n’est pas due uniquement à la nature sableuse de l’aquifère   qui confère un fort coefficient d’emmagasinement   au système. Des modélisations hydrodynamiques ont montré que la zone non saturée devait jouer un rôle très important dans le retard et l’étalement des épisodes pluviométrique en surface, au point de lisser totalement les alternances saisonnières pour ne laisser transparaitre que les fluctuations interannuelles, avec un décalage de trois ans entre le maximum de pluviométrie et la crue   de la nappe.

Conclusions et perspectives

Les études menées sur la source des Brévilles permettent de collecter des données de natures diverses pour une période d’environ onze années.

L’inertie du système et les temps de transfert de l’eau et des solutés justifient des suivis pendant des périodes aussi longues.

D’un point de vue qualité des eaux, l’isoproturon et le chlortoluron, les deux molécules les plus appliquées en terme de quantité, ne sont détectées que de manière très ponctuelle. La formation de résidus liés (rapide et importante pour les urées substituées) peut vraisemblablement expliquer ces absences de détection malgré les quantités utilisées.
L’arrêt des apports d’atrazine au printemps 1999 n’a pas permis de restaurer la qualité de l’eau de la source en 2011. En effet des teneurs en atrazine supérieures à la norme de 0,1 μg/L sont toujours enregistrées. La dééthylatrazine est détectée à des teneurs encore plus élevées que la molécule mère. L’existence d’un stock de solutés dans le sol ainsi que l’inertie du système peuvent expliquer les actuelles détections. En revanche et bien que l’acétochlore et ses métabolites soient potentiellement lessivables vers les eaux souterraines, aucune détection non ambigüe n’a été réalisée à ce jour. A nouveau l’inertie du système mais aussi le fait que les parcelles ayant reçu l’acétochlore sont plutôt situées en amont du bassin peuvent expliquer cette absence de détection.

La non - approbation de la substance active acétochlore par le règlement d’exécution (UE) n°
1372/2011 de la commission implique que les États membres veillent à ce que les autorisations de produits phytopharmaceutiques contenant de l’acétochlore soient retirées pour le 23 juin 2012. Il serait donc pertinent de savoir comment les pratiques de désherbage du maïs vont évoluer sur le site afin d’évaluer le risque de transfert des substances utilisées qu’elles soient anciennes ou plus récemment introduites sur le marché.

De plus, bien que l’acétochlore ne soit plus utilisé, il conviendrait de poursuivre la recherche de cette molécule et ses métabolites. En effet, si elles devaient être détectées, elles permettraient d’apprécier des temps de transfert dans la mesure où la période d’application serait très contrainte (environ une décennie contre plusieurs décennies pour de très nombreuses substances).

Enfin, la poursuite de l’analyse de l’atrazine et de ses métabolites présente un intérêt pour voir d’une part la résilience du système et d’autre part l’évolution des concentrations en cas de successions d’années pluvieuses (fortement excédentaires).

Pour en savoir plus : quelques références bibliographiques

  • Baran N., Stollsteiner P., Gutierrez A., (2010) -Pollution diffuse des eaux souterraines par les produits phytosanitaires : le site expérimental de la source des Brévilles (Montreuil-sur-Epte, Val d’Oise). Rapport final. BRGM/RP-59082-FR, 25p. : http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-59082-FR.pdf
  • BaranN., Mouvet C., Dagnac T., Jeannot R., (2004) -Infiltration of acetochlor and two of its metabolites in two contrasted soils. Journal of Environmental Quality, 33 : 241-249.
  • Baran N., Mouvet C. Gutierrez A., Morvan X.,(2005) -Source des Brévilles (Montreuil-sur-Epte, val-d’Oise). Bilan des activités pour l’année 2004 et synthèse pour la période 2000-2004. Rapport final. BRGM/RP-54357-FR.140 p., 95 ill. : http://infoterre.brgm.fr/rapports/RP-54357-FR.pdf
  • Dictor M.C., Baran N., Gautier A., Mouvet C., (2008) -Acetochlor mineralization and fate of its two major metabolites in two soils under laboratory conditions. Chemosphere. Vol. 71, p. 663-670
  • Goderniaux P., Brouyère S., Gutierrez A., Baran N., (2010) -Multi-tracer tests to evaluate the hydraulic setting of a complex aquifer system (Brévilles spring catchment, France). Hydrogeology journal 18 : 1729-1740.
  • Kolpin D.W., Schnoebelen D.J., Thurman E.M.,(2004) -Degradates provide insight to spatial and temporal trends of herbicides in ground water. Groundwater 42 : 601-608.
  • Mouvet C., Baran N., Peschka M., Knepper T., (2007) -AquaTerra DL F1.9 : Report on the residual mass of atrazine and desethylatrazine in Brévilles soils. AquaTerra. EU project no.505428 (GOCE).
  • Surdyk N., Touzelet S., Baran N., Crouzet C., (2008) -AquaTerra DL BGC2.18 : Pesticide transport through undisturbed materials from Brévilles site : laboratory experiments under realistic conditions.
  • AquaTerra. EU project no.505428 (GOCE).

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