Étude hydrogéologique du bassin des sources de la Vanne

But de l’étude : Les sources de la Vanne qui sont captées par la Ville de Paris est un magnifique champ d’étude permettant de résoudre certains questionnement sur le fonctionnement de l’hydrogéologie de la craie   de l’Yonne et qui peuvent avoir une certaine importance pour l’étude plus générale de la circulation dans la craie  .

Introduction

Les sources de la Vanne alimentent la Ville de Paris depuis 1870. Elles sont situées dans les départements de l’Yonne et de l’Aube entre l’Yonne et la Seine, au cœur de la région naturelle du Pays d’Othe.

Localisation

Les Sources de la Vanne se situent à l’est de Sens, à une centaine de kilomètres au sud-est de Paris.
Les sources captées se trouvent à proximité immédiate de la vallée de la Vanne en rive gauche, excepté celui de Cérilly qui se situe dans la vallée du ru du même nom, affluent de la Vanne, et ceux de Cochepies qui se trouvent près de la confluence du ru de Saint-Ange et de l’Yonne. La Vanne est un affluent de l’Yonne dont la confluence se situe au niveau de Sens.

Plan de situation de l’étude des sources de la Vanne
(R. Hlavek et al,1959, BRGM)

On peut distinguer, dans les sources de la Vanne, trois zones :

  • Les sources hautes (source et drain de la Bouillarde, sources et drains d’Armentières, source de Cérilly, source et drain Gaudin) qui se trouvent le long de la vanne, dans sa partie amont, au niveau du pays d’Othe et qui par leur position peuvent fournir gravitairment de l’eau jusqu’à Paris,
  • Les sources basses (source et drain des pâtures, source et drain du Maroy, sources de Saint-Philibert et Saint Marcouf, Petites sources du Theil, sources du Miroir, source et forage   de Noé), également le long de la Vanne, mais plus en aval et dont les eaux doivent être relevée pour arriver jusqu’à Paris
  • Les sources de Cochepies qui émergent plus au sud et qui sont dans la même position topographique que les sources basses.

Le débit   moyen des sources de la Vanne est d’environ 120 000 m3/j partagé de la facon suivante :

  • 45 % de ce débit   provient des sources hautes,
  • 35% des sources basses,
  • 20% de Cochepies.

Le bassin d’alimentation de ces sources s’étend surtout sur la forêt d’Othe, mais aussi sur la rive droite de la Vanne (des colorants ont été injectés en rive droite du cours d’eau et sont passés sous la Vanne pour ressortir à Noé et à Theil). L’alimentation de la nappe s’effectue surtout par des pertes dans des gouffres parsemant non seulement les vallées entaillant la région de la forêt d’Othe, mais aussi les plateaux qui sont occupés par de grandes parcelles agricoles dédiées pour la plupart à la culture de céréales.

Description géologique et hydrogéologique du Plateau d’Othe

Aquifères

Le Plateau d’Othe est constitué d’un ensemble de niveaux crayeux recouvert par quelques dépôts datant du Tertiaires (argileux, sableux à graveleux). Les premiers niveaux de craie   correspondent aux couches du Sénonien inférieur et du Turonien moyen. Il s’agit d’une craie   blanche bien perméable. L’eau s’y infiltre bien jusqu’à ce qu’elle rencontre la craie   compacte et marneuse du Turonien inférieur et du Cenomanien qui bloque les écoulements. Un autre aquifère  , sableux celui-ci, se trouve en dessous de ces niveaux Cénomanien : il s’agit de l’Aquifère   des Sables de l’Albien. Toutefois, les nombreuses sources qui émergent de ce plateau (les Sources de la Vanne étant les plus importantes) se trouvent à une altitude supérieure à l’altitude de l’Albien. Les eaux de la Vanne sont donc uniquement issues des écoulements au sein de la Craie   du Sénonien inférieur et du Turonien moyen dont l’épaisseur peut atteindre 350m.

Deux types d’écoulements hydrogéologiques

Écoulement karstique

Le Pays d’Othe est globalement impacté par une tectonique qui tend à faire pendre les terrains du secteur vers le NNW. On peut toutefois noter une légère ondulée d’axe N-S. Les cours d’eau au droit du plateau sont inexistants témoignant d’une bonne infiltration des eaux de surface dans le sous-sol. Ce caractère infiltrant est d’ailleurs étayé par la présence de rivières souterraines et de nombreuses cavités karstiques favorisant l’écoulement en souterrain des eaux. De plus, de nombreux traçages ont montré des vitesses de transit de plusieurs centaines de mètres par heure. Ces transferts rapides se sont fait à travers un réseau de fractures et de diaclases au sein de la roche. En effet, le plateau est fracturé selon plusieurs directions. Les deux directions qui jouent le plus grand rôle dans l’écoulement sont obliques et orientées NE-SW et E-W. Ces diaclases ont pour la plupart la même direction que les vallées et leur densité est plus importante au niveau des vallées qu’au niveau des plateaux. Il y a donc un écoulement karstique important orienté dans le sens des vallées. La plupart des sources sont d’ailleurs associées à la présence de diaclases.
Ce fonctionnement contraste avec celui observable en rive droite de la Vanne, où les écoulements sont beaucoup plus lents et où la composante karstique y est quasi absente.

Écoulement de nappe

Grâce à des mesures de débits et des mesures de pluviométries, il a pu être constaté un retard d’un à deux mois entre les maxima de pluviométrie et les maxima des débits des sources. Ces observations témoignent d’un écoulement lent dans le milieu souterrain (d’autant plus que les points d’infiltration les plus éloignés des sources se situent à moins de 15 km). Il y a donc une contradiction entre les données de traçages (qui témoignent d’un écoulement karstique rapide) et les données de débits (qui montrent un écoulement lent). L’étude de R. Hlavek et al. (BRGM-1959) montre ainsi qu’il existe une réserve interstitielle au sein même de la craie  .
La levée d’une carte piézométrique   permet de mettre en évidence une direction d’écoulement comprise entre l’Ouest et le Nord. Tout comme les écoulements karstiques, les écoulements au sein de la nappe de la Craie   jouent un rôle important dans l’alimentation des sources.
L’étude des chroniques longue de débit   des sources de la Vanne (BRGM-2014) met en évidence que les sources situées en pied de la vallée de la Vanne montrent, sur le long terme, une baisse de débit   depuis environ 50 ans, et que cette baisse n’est ni corrélable avec le changement climatique, ni avec les prélèvements (AEP, industrie, irrigation) sur les bassins d’alimentation des sources. Ce sont très vraisemblablement les modifications de l’aménagement du territoire (notamment agricole) qui en abaissant le niveau de la nappe à l’aval immédiat de ces sources a entrainé une baisse de niveau dans les captages.

Interaction entre les différents écoulements

Il est donc admit que dans le cadre du bassin de la Vanne, il coexiste deux types de circulation dans la craie  . Les précipitations   atmosphériques s’infiltrent dans la craie   et forment une nappe qui s’écoule lentement vers les sources avec une direction d’écoulement comprise entre l’Ouest et le Nord. Il existe par ailleurs, des conduits karstiques, souvent axés sur des vallées, qui sont des zones de circulations préférentielles.
Les relations du karst et de la nappe sont les suivants :

  • En période de crue  , la nappe est plus haute que le karst et ce dernier joue le rôle de drain dans la nappe (qu’il rabat légèrement).
  • En période normale, le niveau de la nappe correspond à peu près au niveau des réseaux karstiques. Le karst est alors une zone préférentielle d’alimentation et de drainage de la nappe.
  • En période d’étiage, la nappe descend en dessous des conduits karstiques. Le débit   des sources a baissé mais il reste assez constant car il y a uniquement une circulation de nappe. Le karst fonctionne seulement pour conduire à la nappe quelques brusques précipitations   atmosphériques.

On peut donc expliquer les contradictions enregistrées entre la vitesse de circulation déduites des colorations d’une part et des réactions des sources aux pluviométries d’autre part. En effet, si la grande masse d’eau stockée dans les pores et dans les fines diaclases de la craie   circule très lentement, dès qu’une petite quantité de cette eau arrive dans un conduit karstique, elle circule à grande vitesse vers les exutoires.

Conclusion

Le Plateau d’Othe constitue le bassin versant de sources importantes pour l’alimentation en eau de Paris.
Les eaux souterraines doivent leur existence à une succession lithographique qui fait reposer une grande masse de craie   perméable sur un niveau de craie   marneux très continu à la base du Turonien. La nappe qui alimente ces sources est crayeuse et karstifiée. Les drains karstiques ont l’avantage de créer des émergences à fort débit  , tandis que le caractère de réservoir de la craie   permet d’assurer une alimentation continue des sources.

Pour en savoir plus :

Quelques références bibliographiques :

  • R. Hlavek, Cl. Megnien, J. Florin (1959), Etude hydrogéologique du bassin des sources de la Vanne (Yonne) – BRGM Paris 1959
  • J. Campinchi, G. Marquet, Cl. Mégnien et J.-Y. Caous (1978) Captage d’eau potable de la ville de Paris - Etude hydrogéologique en vue de la délimitation des périmètres de protection réglementaires – Délimitation des périmètres de protection, rapport 78 SGN 290 BDP
  • Jauffret D., Klinka T. (2014) – Études statistiques sur les longues chroniques de mesures (débits et niveaux piézométriques) de la nappe de la craie du Sud-Est du Bassin de Paris. BRGM/RP-62930-FR, 221 p., 164 illustrations, 8 tableaux, 2 annexes

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