Remontées de nappes dans le département de l’Oise

Le principal évènement d’inondation par remontée de nappe du département de l’Oise s’est produit de décembre 2000 à juin 2001. Il fut consécutif à plusieurs années excédentaires en pluviométrie (1998-2001). A cette occasion, le niveau de la nappe de la craie   fut le plus élevé enregistré en quarante années de suivi.

Sommaire de l’article :

  1. Les phénomènes constatés
  2. Les causes des inondations
  3. Les conséquences des inondations sur le territoire
  4. Les remèdes pouvant atténuer les effets des remontées

Dans le département de l’Oise, le principal évènement d’inondation par remontée de nappe s’est produit de décembre 2000 à juin 2001 et fut consécutif à plusieurs années excédentaires en pluviométrie (1998-2001).
Si les vallées humides et « sèches » (en conditions normales) furent principalement concernées, des zones de plateau en bordure de buttes tertiaires furent également touchées. Dans ce second cas, le phénomène s’est essentiellement traduit du point de vue hydrologique par des inondations de caves.
Pour la période allant de décembre 2000 à juin 2001, 111 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle dans le département.

Les phénomènes constatés

La plupart des cas de phénomènes de remontée de nappes ont été relevés :

  • soit au sein de l’aquifère   crayeux (Crétacé)
  • soit en liaison avec des aquifères plus perméables et plus limités dans l’espace mais où, en raison de la présence d’un substratum imperméable, le surplus d’eau ne pouvait que s’écouler en surface. Cela a été notamment le cas des buttes tertiaires du sud du département

Ainsi, selon les secteurs, ont pu ainsi être observés, parfois sur une durée de plusieurs mois, les phénomènes suivants :

  • une inondation généralisée dans les vallées majeures, par contribution exceptionnelle de la nappe, comme cela a été le cas dans le bassin de la Somme et de l’Oise
  • la ré-activation par des cours d’eau temporaires de certaines vallées sèches, où habituellement les cours d’eau ne coulent plus en surface mais uniquement au sein des fissures souterraines de la roche
  • l’apparition de lignes de sources dans les thalwegs, bien en amont des sources habituelles
  • l’apparition d’étangs et de mares temporaires sur certains plateaux dans des zones de dépressions (dolines de décalcification ou anciennes carrières)
  • des inondations par des causes secondaires, par exemple en raison d’ouvrages de génie-civil sous-dimensionnés qui ont été exécutés afin de permettre le passage de voies d’accès pour le franchissement de vallées sèches ou de vallons ne coulant habituellement pas. Lors des remontées de nappes, ces ouvrages forment des barrages et provoquent une inondation des terrains situés en amont
  • des mouvements de terrain notamment sur des sites à pente importante, la remontée de l’eau déstabilisant la couche la plus meuble du sol et la zone altérée de la roche. Toutefois il est difficile de les distinguer des mouvements de terrain dus à une saturation excessive et directe des sols par la pluie
  • un jaillissement artésien de forages dans certaines zones alluviales. La nappe sous-jacente dans la craie   notamment, captée par des forages, a été mise en pression, comme ce fut le cas dans les hortillonnages d’Amiens
  • des sinistres sur l’habitat et les infrastructures, même dans les cas où ces inondations n’ont pas atteint la surface (inondations de sous-sol, fragilisation des sols sableux, gonflement de certains sols argileux)
Inondations dues aux remontées de nappes et conséquences observées à Valdampierre le 9 mars 2001 (BRGM)

Les causes des inondations

Dans le département de l’Oise, le principal événement d’inondation par remontée de nappe s’est produit de décembre 2000 à juin 2001 et a mis principalement en cause la nappe libre de la craie  . Il fut consécutif à plusieurs années excédentaires en pluviométrie (1998-2001).

Les pluies efficaces de l’hiver 1999-2000 ainsi que de l’automne et l’hiver 2000-2001 ont été à l’origine de la forte recharge de la nappe. De plus, après un déficit pluviométrique en février 2001, de très fortes pluies sont également tombées en mars 2001.

En raison d’un faible relief (dénivelé faible des lits des cours d’eau), d’obstacles à l’écoulement superficiel (étangs, digues, écluses), de la réduction ou du manque d’entretien du réseau primaire hydrographique (rus, fossés, canaux de dérivation et d’assèchement), du développement intensif des terres de cultures souvent laissées à nu l’hiver, les pluies très excédentaires qui ne pouvaient s’évaporer ou ruisseler sans interruption, se sont infiltrées dans le sous-sol crayeux déjà très perméable et ont gagné par vagues successives la nappe phréatique  .

Enfin, l’urbanisation, en freinant l’écoulement naturel des eaux, a pu contribuer à amplifier les conséquences des crues.

De plus, outre cette intensité pluviométrique exceptionnelle et concentrée d’octobre 2000 à avril 2001, ce phénomène a été amplifié par trois facteurs naturels liés aux conditions intrinsèques du réservoir crayeux :

  • une cote d’étiage élevé de la nappe en automne 2000 rarement atteinte au cours des précédentes séquences d’années humides, dû à l’effet cumulatif de cinq années excédentaires
  • un engorgement d’un horizon habituellement non saturé et de plus faible coefficient d’emmagasinement   que celui de la zone de battement habituel de la surface piézométrique  
  • une inertie du réservoir poreux superficiel, ne permettant pas d’écouler rapidement vers la nappe le flux d’eau infiltré

La remontée rapide du niveau piézométrique   observée sur certains piézomètres conduit à émettre différentes hypothèses quant à la circulation de l’eau au sein de la zone non saturée, dont certaines supposent des circulations rapides.

Des travaux de recherche sont en cours, notamment dans le département de la Somme avec le projet européen FLOOD et le site expérimental de Warloy-Baillon sur le bassin de l’Hallue (Amraoui N., Thiéry D., Wuilleumier (2011) Rapport BRGM/RP-60022-FR).

Du fait d’une faible perméabilité d’interstices de l’aquifère   crayeux, les fluctuations du niveau de la nappe ont répercuté avec un « effet retard » de quelques semaines les variations de précipitations  . La remontée s’est effectuée régulièrement à partir de l’automne 2000, s’est stabilisée en février-mars 2001 et a soudainement repris début avril 2001. A partir de janvier 2001, les niveaux de la nappe libre de la craie   furent les plus élevés enregistrés en quarante années de suivis. Les très fortes pluies de mars 2001 expliquent l’amplitude sinon la soudaineté, de la remontée constatée dès le début du mois d’avril 2001. L’amplitude de la remontée des niveaux a atteint un maximum de 25 m à Morvillers-Saint-Saturnin (Somme) sous les plateaux crayeux.

Les exutoires latéraux de la nappe de la craie  , constitués par les sources et cours d’eau pérennes, n’ont pas pu vidanger la quantité d’eau emmagasinée au sein de l’aquifère   de la craie  . La surface de la nappe libre s’élevant, celle-ci a fini par atteindre le sol dans les zones basses telles que les vallées « sèches » et a alors débordé. D’anciennes sources temporaires, ponctuelles (à la faveur d’un fossé, d’un drain) ou étendues et diffuses ainsi que des ruisseaux sont réapparus. Des sous-sols et rez-de-chaussées de maisons récentes et même des caves de constructions anciennes ont été inondés. Certains terrains déstabilisés ou gonflants ont provoqué des mouvements de terrain et des dommages sur des infrastructures (retrait-gonflement de certains terrains argileux, effondrements, glissements, …).
Les décrues ont été très lentes, puisque la circulation de l’eau dans les interstices de l’aquifère   crayeux est elle-même assez lente et que la masse de l’aquifère   est très importante. De plus, au cours de l’étiage de l’automne 2001, les niveaux piézométriques de la nappe de la craie   étaient encore supérieurs à ceux de septembre 2000. Suite aux pluviométries de l’automne et hiver 2001-2002, la crue   saisonnière de la nappe, bien que moins intense que la précédente, a entraîné à nouveau des cotes exceptionnellement hautes sous le plateau Picard. Des caves ont été inondées pendant plusieurs mois, en 2001 et 2002, et de nouveaux effondrements se sont produits localement à la surface du sol ou sous les habitations.

Représentation schématique de la remontée progressive de la nappe de 2001-2002 (BRGM)

Les conséquences des inondations sur le territoire

De décembre 2000 à juin 2001, 111 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle dans l’Oise. Dans certaines zones, des inondations de moindre ampleur sont également survenues en fin d’automne et d’hiver 2001-2002. Avant ces événements, une unique commune avait bénéficié de cette reconnaissance, en 1995.

Les crues de la nappe de la craie   ont affecté les plateaux crayeux et leurs vallées « sèches », notamment sur le Plateau Picard avec parfois des conséquences catastrophiques (Tricot, Frestoy-Vaux, Bacouël, La NeuvilleRoy, Montiers, Montceaux-l’Abbaye, Gourchelles, Estrées-Saint-Denis, …) et le Pays de Thelle (Neuilly-en-Thelle, Laboissière-en-Thelle, Fay-les-Etangs, Mortefontaine-en-Thelle, …), mais également les vallées humides des sous-bassins de l’Oise. Dans le Beauvaisis (vallée du Thérain et Allonne) et la vallée de l’Oise (Mortefontaine-en-Thelle, …), les remontées de nappes se sont conjuguées aux crues des rivières, dès lors que les cours d’eau communiquent avec les nappes, constituant alors un facteur aggravant.

Les nappes alluviales, contenues dans les lits majeurs des cours d’eau principaux, constituent le niveau de base des nappes des coteaux. Si la qualité de ces aquifères est insuffisante pour évacuer le trop-plein, il se produit une mise en charge aboutissant à une remontée du niveau piézométrique  , à un accroissement du débit   des sources de débordement et de déversement, à une apparition de nouvelles émergences diffuses et à des inondations de terres et de zones habitées. Suite aux séquences pluvieuses exceptionnelles en amont des différentes vallées affluentes de l’Oise, ce phénomène s’est produit, aussi bien sur le plateau du Beauvaisis et du Pays de Thelle que dans les collines du Clermontois, du Noyonnais et au pied des plateaux calcaires du Valois et du Soissonnais.

Si les vallées humides et « sèches » furent principalement concernées, des zones de plateau en bordure de buttes tertiaires furent également touchées. Dans ce cas, le phénomène s’est principalement traduit par des inondations de caves. La saturation de la nappe de la craie   a ainsi parfois été accélérée par les débordements des nappes perchées situées dans les aquifères tertiaires. En effet, ces nappes perchées sont susceptibles de se saturer rapidement en eau et de déborder après des périodes pluvieuses prolongées. Les eaux de ces nappes peuvent alors alimenter la nappe de la craie   directement par drainance descendance (nappe du Thanétien) ou indirectement par ruissellement vers la vallée puis réinfiltration (nappes de l’Yprésien supérieur et du Lutétien). De tels effets croisés ont été observés fréquemment (Tricot, Gouvieux, Warluis, …).

Il faut souligner que les nappes superficielles du Pays de Bray et certaines nappes perchées situées au sud du département n’ont pas subi ces débordements en raison d’un drainage efficace à leur périphérie et de la présence d’une couverture argileuse plus étendue qui a facilité le ruissellement au détriment de l’infiltration.

Les remèdes pouvant atténuer les effets des remontées

Aucun moyen techniquement efficace et économiquement satisfaisant n’existe pour éviter ou limiter les conséquences d’une remontée de nappe à grande échelle. Seuls des travaux susceptibles de faciliter ou d’améliorer le drainage naturel de la nappe (curage des fossés existants, creusement de nouveaux fossés, faucardage des cours d’eau, pompage d’exhaure dans les caves et les sous-sols inondés, …) peuvent permettre d’atténuer très localement les effets des nuisances engendrées.

Pour en savoir plus :

Quelques références bibliographiques :

  • Allier D., Chrétien P. avec la collaboration de Baraton A., Leveau E., Minard D. et Tourlière B. (2009) – Atlas hydrogéologique numérique de l’Aisne - Notice – Rapport final BRGM/RP-57439-FR, 158 pages, 65 illustrations, 10 tableaux, 6 annexes.
  • Arnal C., Mirgon C., Imbaut M., Wuilleumier A., Mardhel V., Gravier A., Cauvin L. (2007) et INERIS – Atlas des risques naturels majeurs de l’Oise. Cartographie des risques. Phénomènes naturels. Principaux enjeux. Rapport BRGM/RP-54152-FR, 158 pages, 12 cartes.
  • Bault V., Borde J., Follet R., Laurent A., Tourlière B. avec la collaboration de Leveau E. et Willefert V. (2012) – Atlas hydrogéologique numérique de l’Oise. Phase 3 : Notice. Rapport final BRGM/RP-61081-FR, 320 p., 81 ill., 55 tab., 2 ann., 1 cd-rom, 1 carte A0.
  • Nail C. (2001) – Département de l’Oise – Inondations 2001 – Constat des remontées exceptionnelles du niveau des nappes phréatiques. Communes de Fontaine-Saint-Lucien, Hénonville, Montataire, Rémy, Rosoy, Saint-Vaast-de-Longmont, Enencourt-Léage, Liancourt, Rochy-Condé, La Bosse, Vendeuil-Caply, Plainville (60). Rapport BRGM/RP-50722-FR, 23 p., 2 fig., 6 photos, 5 ann.
  • Nail C., Berthier F., Caudron M., Hede A., Huriez L. (2001) – Département de l’Oise – Inondations 2001 – Constat des remontées exceptionnelles du niveau des nappes phréatiques – Deuxième rapport BRGM/RP-50903-FR, 41 p., 2 fig., 3 photos, 6 ann.
  • Nail C., Berthier F., Caudron M., Hede A., Huriez L. (2001) – Département de l’Oise – Inondations 2001 – Constat des remontées exceptionnelles du niveau des nappes phréatiques – Troisième rapport BRGM/RP-51225-FR, 39 p., 2 fig., 6 ann.

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