Bilan sur les études et les données disponibles sur les nitrates dans les eaux souterraines en Hauts-de-France (ex-Picardie)

Face à la menace croissante de pollution des eaux souterraines par les nitrates et suite aux dispositions réglementaires prises au niveau européen et national à ce propos, la réalisation d’un bilan sur des connaissances sur les nitrates au niveau du territoire picard avait été réalisée en 1997 (Rapport BRGM R39486, 1997). Par la suite d’autres études conduites par le BRGM et l’INRA ont permis d’affiner cette connaissance en particulier concernant le transfert des nitrates dans la zone non saturée en milieu crayeux.

Bilan des études et données disponibles sur les nitrates dans les eaux souterraines de Picardie en 1996

Les premières études sur les nitrates menées en Picardie remontent au début des années 1980.
Ces études ont soit une portée générale sur l’ensemble de la région, soit concernent des secteurs géographiques précis. Elles répondent à quatre types d’objectifs :

  • la connaissance de l’état des ressources en eau souterraine vis-à-vis de la pollution nitratée et les perspectives d’évolution ;
  • la détermination de l’origine des nitrates ;
  • l’étude des mécanismes de lessivage des nitrates dans les sols et le sous-sol ;
  • l’analyse de l’influence des activités agricoles avec l’expérimentation de nouvelles pratiques agricoles visant une meilleure gestion de l’azote.

L’analyse de la littérature fait ressortir que la migration des nitrates vers les nappes est régie par l’écoulement des eaux d’infiltration à travers la zone non saturée, dépendant en particulier des conditions climatiques. En milieu crayeux, les vitesses moyennes de transfert dans la zone non saturée varieraient de 0,3 à 0,75 m/an.
Toutefois ces chiffres pourraient être peu significatifs car les mécanismes d’écoulement sont mal connus et parfois sujets à débats : s’agit-il d’un écoulement intergranulaire dans un milieu poreux, ou existe-t-il des circulations d’eau préférentielles au niveau de fissures ? Le probable rôle de la fissuration voire même de la karstification dans le transfert d’eau et de substances fertilisantes dans la zone non saturée de la craie   a été souligné par plusieurs auteurs.

Le bilan des données disponibles en 1997 sur les nitrates dans les eaux souterraines en Picardie fait apparaître des teneurs en nitrates des eaux souterraines en Picardie se situant principalement dans la classe 25-50 mg/l.
D’une manière générale, il est constaté un enrichissement général des teneurs en nitrates des différentes nappes depuis les années 1970, dû principalement à la contamination diffuse d’origine agricole. Ce sont les nappes perchées des formations tertiaires où sont généralement recensées les plus fortes teneurs, (souvent supérieures à 50 mg/l). Il existe cependant une grande variabilité spatiale et temporelle des teneurs en nitrates due à la combinaison de nombreux facteurs liés aux caractéristiques géologiques du site, aux conditions climatiques et aux sources d’azote.

A partir du bilan de 1997 effectué sur les études antérieures, les mécanismes de migration et les données disponibles, une synthèse générale (BRGM, 1997, rapport RR-39486-FR) a permis de faire le point sur la pollution par les nitrates des eaux souterraines de Picardie, en dégageant les tendances d’évolution, les principales causes de pollution, les critères de vulnérabilité et les axes d’étude les plus pertinents afin de tirer parti de l’expérience acquise pour de nouveaux programmes d’études ou plans d’action.

Etudes réalisées sur la période 1997-2014

Suite au bilan de 1997, d’autres études ont été conduites par le BRGM et l’INRA et ont permis d’affiner les connaissances acquises, en particulier concernant le transfert des nitrates dans la zone non saturée en milieu crayeux.

Depuis 1994, des opérations de réduction d’intrants ont été mises en place au titre des mesures agri-environnementales dans 3 bassins versants de Picardie (Normand B. et al., Rapport BRGM R40616, 1999) :

  • le Rû de l’Herboval dans l’Oise (superficie du bassin : 33 km2) ;
  • les collines et vallées du Laonnois (superficie du bassin : 120 km2) ;
  • la vallée de l’Hallue (superficie du bassin : 219 km2).

Dans la Somme (Artois-Picardie), le bassin versant de l’Hallue a fait l’objet d’un suivi spécifique de 1994 à 1998 de la part du BRGM. Les objectifs poursuivis par cette étude étaient d’apprécier la qualité actuelle des eaux de nappe et de la zone non saturée eu égard à la pollution diffuse d’origine agricole due à l’intensification de l’agriculture, et de disposer ainsi d’états de référence au moment du démarrage des mesures agri-environnementales de réduction d’intrants afin de pouvoir évaluer à terme l’efficacité de ces mesures vis-à-vis de l’amélioration de la qualité des eaux.
Les principaux moyens mis en œuvre reposent sur des campagnes régulières d’analyse d’eau de nappe pendant un an sur 35 points d’eau, sur l’analyse d’échantillons de sol à différentes profondeurs prélevés lors d’une campagne de sondages au droit de 10 parcelles agricoles, et sur la caractérisation du fonctionnement hydrogéologique global du bassin puisque les transferts d’eau conditionnent les transferts des nitrates et de pesticides vers la nappe.
Si la qualité de la nappe demeure globalement satisfaisante par rapport aux normes pour l’alimentation en eau potable, l’augmentation très lente et régulière des teneurs en nitrates depuis 20 ans et la détection récente de molécules phytosanitaires en de nombreux points sont déjà à l’époque les signes d’une pollution diffuse agricole.
L’étude souligne que cette situation devrait s’aggraver dans les décennies à venir du fait des importants stocks de nitrates présents en zone non saturée, dont la grande majorité n’a pas encore atteint la nappe, et qui migrent lentement vers celle-ci dans le milieu crayeux (0,5 à 0,7 m par an). Ces stocks se sont constitués depuis le début de l’agriculture intensive et sont dus non seulement à des utilisations massives d’engrais, mais aussi à des épandages d’effluents d’élevage ou de féculeries, ainsi qu’à des retournements de prairies.

Des études ont également été réalisées par l’INRA de Laon (02) (Beaudoin N., 2006), en particulier sur les moyens de quantifier l’impact des pratiques agricoles effectives sur la pollution nitrique. Différentes méthodes de quantification ont été testées, en s’appuyant sur les données issues d’une expérimentation partenariale de prévention de la pollution menée sur le site de Bruyères (02).
Le site d’étude est un plateau de 187 ha qui alimente une nappe d’eau souterraine, sise dans l’aquifère   des calcaires du Lutétien. Cette nappe alimente 5 sources principales qui connaissent une pollution croissante depuis 1970. Les 21 parcelles cultivées du plateau ont fait l’objet d’une mise en œuvre systématique des bonnes pratiques agricoles, par 3 agriculteurs, depuis 1990.
Des travaux de modélisation de quantification de l’impact des pratiques agricoles effectives sur la pollution nitrique dans les eaux de percolation dans les sols ont été conduits, en faisant varier les échelles de temps et d’espace. La question du rapport coût/efficacité de mesures de prévention de la pollution a aussi abordée par la simulation des impacts de différents scénarios techniques de gestion de l’azote. La comparaison des résultats de modélisation aux données acquises a permis de traiter de la capacité d’un modèle de culture à quantifier, de façon robuste, la pollution nitrique en situation agricole réelle.

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