Etude de 2006 concernant l’origine des anomalies en sélénium dans les captages d’AEP du département de la Marne (51)

L’ARS Marne   (ex-Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales de la Marne   : DDASS 51) est confronté à des teneurs excessives en Sélénium dans les eaux souterraines captées pour l’alimentation en eau potable des collectivités de la montagne de Reims et de la Brie champenoise (nappe du Lutétien-Yprésien (Eocène)). L’occurrence dans les eaux souterraines de sélénium à des concentrations dépassant la concentration maximale autorisée (CMA) soit 10 µg/L, est un problème qui se pose à l’échelle du bassin Seine-Normandie et en particulier en Ile-de-France. Plusieurs investigations ont été menées sur les départements de Seine-et-Marne   et de l’Essonne, en réalisant notamment de nombreux dosages de sélénium dans les eaux de distribution. Mais, jusqu’à présent aucune intoxication par une eau naturelle contenant un excès de sélénium n’a été démontrée. Les causes possibles de la présence de sélénium sont multiples, et compte tenu de l’emploi de cet élément dans les activités industrielles ou agricoles, plusieurs éventualités peuvent être envisagées : une origine naturelle et une origine anthropique telle qu’une source hospitalière, une origine industrielle, une conséquence de l’épandage de boues de stations d’épuration, une origine agricole par l’utilisation d’engrais séléniés.

Partenaires
Pour répondre aux attentes de l’ARS Marne  , le BRGM a élaboré en 2006 un programme spécifique ayant pour objectif :

  • de mettre en évidence les processus et les mécanismes à l’origine des fortes teneurs en sélénium observés sur certains captages AEP de la Marne   ;
  • de replacer les résultats acquis dans la Marne   dans le contexte des connaissances acquises sur d’autres secteurs ou dans la bibliographie internationale ;
  • de proposer éventuellement des mesures de restauration ou d’amélioration pour les captages concernés.

La sélection des captages a été effectuée sur les secteurs présentant plusieurs points avec des teneurs en sélénium supérieures à la CMA (secteurs 1 à 5). Suite à l’analyse plus poussé des données, trois secteurs et deux ouvrages par secteurs ont été retenus, soit 6 ouvrages au total (secteurs 1 à 3).

  • Au Sud-Ouest de Reims le secteur n°1 « Ville-en-Tardenois » avec les communes de Marfaux et de Bligny ;
  • Au Sud de la Montagne de Reims le secteur n°2 « Vallée de la Marne   » avec les communes de Damery et de Boursault ;
  • Au Sud-Ouest du département, le secteur n°3 « Villevenard » avec les communes de Congy et de Villevenard.
    Carte générale de synthèse des secteurs et des points retenus dans la Marne (Rapport BRGM/RP-54939-FR)

    Pour chaque secteur le point le plus « contaminé » en sélénium a été retenu : Marfaux pour le secteur n°1 (Eocène inférieur - sables du cuisien), Boursault pour le secteur n°2 (Eocène supérieur – Bartonien) et Villevenard pour le secteur n°3 (craie   du Sénonien).

Un point supplémentaire a été échantillonné sur chaque secteur. Ces points ont été choisis dans un contexte géologique différent de celui des points à fortes concentrations en sélénium. Le captage de Bligny capte l’Eocène moyen et sup. (calcaires du Lutétien et du Bartonien). Damery capte la nappe de la craie   du Sénonien (sous couverture alluviale) et Congy capte l’Eocène moyen (calcaires du Lutétien).
Des analyses ont été réalisées sur les 6 captages retenus ayant montré dans le passé de fortes concentrations en sélénium : mesures du potentiel d’oxydoréduction (Eh), du pH, de la concentration en oxygène dissous, du rapport sélénium hexavalent – sélénium tétravalent, ainsi que des concentrations en éléments majeurs et traces.
Les résultats ont permis d’aboutir à des conclusions préliminaires qui confirment l’origine naturelle (relation eau-roche) du sélénium dans les captages étudiés.
Sur l’ensemble du département, les points dont la concentration en sélénium est supérieure à 6 μg/L sont principalement situés le long d’une bande d’une largeur de 30 km, d’orientation NNE-SSW, à l’ouest d’une ligne Nogent-sur-Seine, Epernay, Reims. Cet axe correspond à la limite entre les formations tertiaires de l’Eocène à l’Ouest et les formations secondaires du Crétacé (craie   de Champagne) à l’Est.
Tous les captages dont les eaux souterraines montrent des concentrations en sélénium supérieures à 14 μg/L captent ou drainent les niveaux sableux et argileux de l’Yprésien supérieur. Ces formations sont connues pour être riches en sélénium (Vernoux et al., 1998). Cette origine pourrait expliquer la relation entre uranium et sélénium, qui a été observée sur certains points de l’étude correspondant à des terrains particuliers (sables et graviers plus ou moins argileux, organiques, associés à des débris ligniteux). Les concentrations les plus importantes en ces deux éléments se situent sur des fronts d’oxydo-réduction à la limite d’eaux oxydées et de milieux réducteurs.
Au terme de l’étude sur l’origine du sélénium dans les captages AEP de la Marne   et pour aller plus loin dans l’interprétation notamment en ce qui concerne la répartition géographique, il a été recommandé de compléter les connaissances acquises sur l’origine du sélénium par l’acquisition de nouvelles données :

  • Dans les secteurs à teneurs en sélénium non négligeable : analyser systématiquement le sélénium total en prenant soin d’utiliser des méthodes permettant un seuil de quantification de 1 μg.l-1 maximum ;
  • Dans les sites où les teneurs en sélénium dépassent 5 μg.l-1 : réaliser l’analyse de la spéciation du sélénium ;
  • Dans les secteurs concernés par l’anomalie étudiée : effectuer des prélèvements et des analyses sur les eaux de surface et les roches susceptibles de contenir du sélénium ;
  • Sur quelques ouvrages caractéristiques de l’anomalie en sélénium, organiser un suivi des teneurs en sélénium sur un cycle hydrologique, depuis octobre (début de la recharge) à septembre (période d’étiage), en parallèle avec un suivi des paramètres physico-chimiques (majeurs et mesures in situ de type oxygène dissous, pH, Eh) et des principaux éléments traces ainsi que des niveaux piézométriques conjointement aux informations de données pluviométriques.

Suite à la mise en évidence, dans le cadre de cette étude, de relations entre le sélénium et l’uranium, des recherches concernant la radioactivité naturelle dans les eaux pourraient également être menées, afin d’identifier les formations géologiques et les secteurs susceptibles de présenter les teneurs naturelles les plus élevées.

Bibliographie :

  • CHABART M., GOURCY L., BRAIBANT G., GHESTEM J.P., PERCEVAL W. (2006) – Origine des anomalies en sélénium dans les captages d’AEP du département de la Marne. Première approche. Rapport BRGM RP-54939-FR, 68 pages, 46 illustrations et 4 annexes.
  • VERNOUX J.F., BARBIER J., CHERY L. (1998) - Les anomalies en sélénium dans les captages d’Ile-de-France (Essonne, Seine-et-Marne), rapport BRGM R40114, 46 p.

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Sélénium et substances émergents