Prévision des niveaux piézométriques et des débits d’étiage sur le bassin versant de la Bresle

Contexte et objectifs

La région Picardie et le nord de la région Normandie ont subi des étiages sévères au cours des années 2003 à 2007 et 2011, 2012 avec des périodes de recharge des nappes marquées par une pluviométrie déficitaire. Les ressources en eau sont cependant sollicitées pour de nombreux besoins comme l’alimentation en eau potable, l’industrie et l’agriculture. Afin d’éviter un déséquilibre entre la ressource en eau exploitable et la satisfaction des besoins en eaux, l’Agence de l’eau Seine-Normandie, la DREAL et les DTT(M) de Picardie ont souhaité pouvoir prévoir les niveaux piézométriques des nappes et les débits des cours d’eau durant la période d’étiage 2013 et ce dès la fin de la recharge hivernale.
Afin de remplir les objectifs de cette étude, des modèles globaux ont été réalisés avec le logiciel tempo pour 4 bassins versant dont celui de la Bresle.

Logiciel Tempo©

Le logiciel de modélisation Tempo© a été utilisé pour la modélisation du bassin de la Bresle. Ce logiciel, développé par le BRGM, est utilisé dans le domaine de l’hydrogéologie et de l’hydrologie pour prévoir des niveaux de nappes et de débits à l’exutoire d’un bassin versant et ainsi modéliser un hydrosystème.

Exemple d’hydrosystème modélisable par TEMPO©

La modélisation réalisée par Tempo© est dite « globale ». Elle consiste à chercher une liaison entre l’entrée du système (pluie et ETP) et la sortie (niveaux des nappes et /ou débits) afin de les reproduire à l’aide des données d’entrée.
Les limites de cette modélisation se posent dans la globalité de celle-ci. En effet, elle ne permet pas d’avoir de différentiations spatiales. Le système est considéré comme un « tout ».

Modélisation du Bassin de la Bresle

Contexte

La Bresle constitue dans sa partie aval la limite entre la région Normandie (en Seine-Maritime) et la région Picardie (en Somme). Sa partie amont s’étend dans les départements de l’Oise et de la Seine-Maritime.

Localisation du bassin de la Bresle

Le bassin versant de la Bresle se développe dans la craie   sénonienne en rive droite et dans la craie   marneuse du Turonien et du Cénomanien en rive gauche. L’aquifère   de la craie   est la principale ressource en eau potable de la région.
Les fluctuations piézométriques de la nappe de la craie   présentent des variations saisonnières et interannuelles fortement marquées. Les hautes eaux de la nappe sont tardives (en Mars) tout comme ses basses eaux (en Septembre-Octobre). L’étiage de la Bresle est fortement soutenu par la nappe de la craie   et l’amplitude des fluctuations est moins importante lorsque les piézomètres sont proches de la Bresle.

Fluctuations des niveaux piézométriques enregistrés à différents piézomètres du bassin de la Bresle

Données permettant le calage du modèle Tempo©

Les stations de mesures utilisées pour le calage du modèle de la Bresle sont représentées dans la figure suivante.

Liste des stations de mesure utilisées pour le calage du modèle pour le bassin de la Bresle

Les stations de pluviométriques d’Eu (située en vallée près de la mer) et de Hautbos (en plateau en amont du bassin versant) permettent d’obtenir une bonne représentation de la pluviométrie sur le bassin versant. Une lacune de données sur Eu a été complétée avec la pluie de Morienne qui présentait la meilleure corrélation.
Le bassin versant de la Bresle comprend 8 piézomètres cependant ceux de Realcamp, Beauchamps, Aumale, Lafresguimont-Saint-Martin et Transley ont été écartés car ils étaient influencés soit par des écoulements de surfaces soit par des pompages ou parce qu’ils captaient un réseau karstique ou une nappe alluviale.
L’essentiel des prélèvements réalisés sur ce bassin versant sont destinés à l’alimentation à l’eau potable. Les prélèvements pour l’agriculture étant très faible, ceux-ci sont considérés comme nuls. Les prélèvements représentent une lame d’eau annuelle d’environ 9,8 mm soit 3% de la lame d’eau annuelle (329 mm).

Modélisation et calage

La modélisation des écoulements a été réalisée en 3 étapes :

  • calage Pluie-Niveau et Pluie-Niveau-Débit  
  • validation des calages
  • prévisions

La période de calages retenue pour la modélisation Pluie-Niveau est comprise entre Février 1996 et Mars 2013 et celle de la modélisation Pluie-Niveau-Débit   est comprise entre Décembre 1999 et Mars 2013. Il est important d’avoir les périodes de calage les plus longues possibles. Cependant cela n’a pas été possible pour ce bassin versant étant donné la jeunesse de certaines stations. Les volumes prélevés n’ont pas été pris en compte car ils représentent des volumes trop faibles.

Calage du débit de la Bresle, modèle et observations


Calage du niveau piézométrique mesuré à Criquiers (bassin de la Bresle)

Les principales limites de l’évaluation des débits et des niveaux réalisés au cours de cette étude sont :

  • les données utilisées, en effet certaines données sont imprécises ou présentes des chroniques de courtes durées. De plus afin de satisfaire les besoins des gestionnaires en terme de délais, les modèles et les prévisions ont été réalisés lors que la recharge de la nappe n’était pas terminée
  • l’utilisation des modèles globaux

Principe de la prévision

Une fois le modèle calé, la phase de prévision (débits, niveaux) peut être mise en œuvre.
Comme on ignore les pluies efficaces futures de la période de prévision, la méthode utilisée est de type probabiliste.
Grâce à un générateur de pluies et d’ETP, TEMPO peut produire un grand nombre de scénarios climatiques suivant un processus aléatoire mais reproduisant néanmoins les caractéristiques des séquences climatiques passées (moyenne, saisonnalité, …).
Le modèle ayant été calé et la (ou les) fonction(s) de transfert identifiée(s), on peut donc pour chacun des n scénarios climatiques faire le calcul de la variable de sortie (débit   ou niveau) sur la période de prévision choisie et à un pas de temps défini, par exemple décade par décade sur 10 ans.
On obtient alors n scénarios indépendants pour les niveaux ou les débits (illustrations suivantes : n=5). Pour que les fréquences calculées soient significatives, plusieurs centaines de scénarios sont nécessaires.

Exemple de calculs de débits à partir de scénarios climatiques entre 2008 et 2018


Exemple de calculs de niveaux à partir de scénarios climatiques

Les résultats de toutes les simulations sont ensuite regroupés intervalle de temps par intervalle de temps, par exemple par décade.
Sur chacun de ces intervalles de temps les niveaux sont classés par ordre croissant, ce qui revient à construire une distribution cumulée des fréquences et permet de calculer une fréquence d’occurrence de telle ou telle valeur dans chaque intervalle de temps (une fréquence de dépassement ou de non dépassement).

Courbe de fréquence cumulée. La valeur H = 89 m est dépassée 1 année sur 10 (10 ans « humide ») - La valeur H = 73,5 m n’est pas dépassée 1 année sur 10 (10 ans « sec ») - La valeur H = 82 m est la médiane (dépassée ou non dépassée 1 année sur 2)

Les valeurs correspondant à ces différentes fréquences sont calculées pas de temps par pas de temps et reportées ensuite sur un graphique où les courbes tracées doivent s’interpréter non pas comme représentant des chroniques continues, c’est-à-dire des courbes d’évolution possibles avec une certaine fréquence d’apparition, mais comme des suites de valeurs correspondant chacune à une certaine fréquence d’apparition sur l’intervalle de temps considéré.
Tempo propose 7 fréquences particulières réparties en deux groupes correspondant aux années dites « humides » et aux années dites « sèches » de part et d’autre d’une valeur « médiane » correspondant à la valeur qui divise la « population » statistique sur l’intervalle de temps considéré en deux parties d’effectifs égaux ; la valeur médiane est dépassée (ou non dépassée) une année sur 2.
Pour information, les « 20 ans humides » s’interprètent comme la valeur de niveau ou de débit   dépassée 1 année sur 20. Les « 20 ans secs » s’interprètent comme la valeur de niveau ou de débit   qui n’est pas dépassée 1 année sur 20. De même pour les autres fréquences.

Exemple de prévision fournie par TEMPO

Résultats des prévisions de l’étiage de la Bresle pour l’été 2013

Les prévisions des débits et des niveaux de nappe ont été réalisés à partir du 1er avril 2013. Il est alors prédit que les débits seront supérieurs à ceux de 2011 et 2012 au cours de la période d’étiage. Les niveaux de la nappe prédits seront également supérieurs à ceux de 2011 et 2012 et lors de l’étiage (au mois de Novembre 2013) ces niveaux redescendront pour être proches de ceux de 2012 avec une période de retour entre 5 et 10 ans sec.

Prévision des débits décadaires à partir du 01/04/2013 à la station de Ponts-et-Marais – Les prévisions sont représentées comme des suites de valeurs correspondant chacune à une certaine fréquence d’apparition sur l’intervalle de temps considéré


Prévision des niveaux piézométriques décadaires à partir du 01/04/2013 au piézomètre de Criquiers – Les prévisions sont représentées comme des suites de valeurs correspondant chacune à une certaine fréquence d’apparition sur l’intervalle de temps considéré

Conclusion

En conclusion, le logiciel Tempo© permet de réaliser, après calage, des prévisions des niveaux piézométriques et des débits de manière fiable avec une précision correcte pour le bassin versant de la Bresle. Cependant il est important de garder à l’esprit que les incertitudes sur les données (chroniques trop courtes essentiellement) et les limites du logiciel ne permettent pas de générer un modèle parfaitement fiable.

Bibliographie

  • V. Bault et H. Bessiere, 2013. Prévision des niveaux piézométriques et des débits d’étiage de 2013 sur quatre bassins versants en Picardie - Rapport Final - BRGM/RP-62449-FR. BRGM. 121p.
  • J.L. Pinault, 2007. Manuel utilisateur TEMPO : logiciel de traitement et de modélisation des séries temporelles en hydrogéologie et hydrogéochimie - BRGM/RP-55313-FR. BRGM. 274p.

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