Relations nappe-rivière dans le bassin Seine-Normandie

Une idée maitresse de la DCE est l’unicité de la ressource en eau et des interactions entre ses différentes composantes, avec comme objectif opérationnel un bon état de la ressource en eau qui ne pourra être atteint que par une gestion intégrée.
L’article ci-dessous a pour vocation de présenter des études existantes sur ce sujet dans le bassin Seine-Normandie.

Sommaire de l’article :

  1. Les échanges nappes/rivières en Seine-Normandie
  2. Généralité sur les échanges nappe-rivières
  3. La synthèse bibliographique nationale de référence sur le sujet
  4. Outils d’évaluation des échanges entre eau souterraine et eau de surface
  5. Modélisation des flux échangés entre les rivières et les nappes du bassin Seine-Normandie

Les échanges nappes/rivières en Seine-Normandie

La carte ci-dessous présente les cours d’eau du bassin Seine-Normandie ainsi que les formations géologiques qu’ils traversent. La simple observation de cette carte permet de comprendre la diversité des types d’échanges nappe-rivière existant au sein du bassin Seine-Normandie.

Cartes des cours d’eau et des formations géologiques du bassin Seine-Normandie (BRGM)

Un réseau hydrographique clairesemé, synonyme d’une forte infiltration

Au droit des aquifères crayeux du crétacé (Haute-Normandie, Picardie, Champagne), des aquifères calcaires du jurassique (Est de la Basse-Normandie, Bourgogne, Sud de la Champagne) ou de l’aquifère   des calcaires de Beauce (régions Centre et Ile-de-France), le chevelu des cours d’eau est de très faible densité.

Au-dessus de ces formations la pluie participe majoritairement à l’infiltration. Peu d’écoulements subsistent en surface, et les rivières sont principalement des émergences de nappe, ce qui explique la régularité de leur débit  , de leur température, et leur limpidité.

Dans ces secteurs, le contrôle des débits de la rivière par la nappe est illustré ci-dessous pour le cas de l’aquifère   de la craie   : sur la période 1983-2013, les fluctuations des débits journaliers de la rivière de l’Iton mesurée à Normanville (Eure) et des niveaux de la nappe de la craie   suivis sur le piézomètre de Coulonges (01801X0010) sont synchrones. Le coefficient de corrélation est de 85%.

Fluctuations synchrones des débits journaliers de la rivière Iton mesurée à Normanville (Eure) (BRGM)

Un réseau hydrographique dense : le ruissellement est majoritaire

A l’inverse, au-dessus des formations de socle (en Basse-Normandie et en Bourgogne), le sous-sol est constitué de roches plutoniques (granites s.l.) et métamorphiques (schistes, gneiss…) qui sont massives et peu perméables.

La part du ruissellement est importante et les écoulements persistent majoritairement en surface ou sub-surface ce qui explique la forte densité du chevelu des cours d’eau au-dessus de ces formations.

Les aquifères superficiels de faible extension ne constituent pas des réserves d’eau souterraine importantes et n’apportent qu’un soutien limité aux cours d’eau qui les traversent. Les cours d’eau sont alors très dépendants de la pluviométrie, leur débit   est très variable selon la saison.

Au centre du bassin, une alternance de formations plus ou moins perméables

Dans le centre du Bassin Parisien, les cours d’eau traversent successivement les terrains imperméables (marnes et argiles) à perméables (sables et calcaires) du Tertiaire.

De nombreuses sources naissent en limite d’affleurement des couches perméables, au contact des niveaux imperméables, et constituent l’exutoire des nappes. Les eaux superficielles s’écoulent ensuite sur les terrains imperméables avant de se réinfiltrer en aval dans des formations perméables ou de former des cours d’eau pérennes.

En l’absence de couverture imperméable, ces cours d’eau sont alors en relation avec la nappe sous-jacente qu’ils drainent. La densité du chevelu du réseau hydrographique, de faible à importante, traduit la présence de cette alternance de couches imperméables ruisselantes et perméables infiltrantes.

Généralité sur les échanges nappe-rivières

Plus généralement, le débit   total d’un cours d’eau peut être caractérisé par la somme de deux composantes : une composante rapide correspondant au ruissellement superficiel et une composante plus lente correspondant au drainage des aquifères.

Ce dernier peut être mesuré à l’étiage, lorsque le ruissellement superficiel est minimum. En effet, dans des conditions naturelles, les rivières ne sont alimentées, pendant les périodes sans pluie, exclusivement par le drainage des aquifères.

Si l’apport principal du cours d’eau provient des nappes principales du bassin versant, le débit   des cours d’eau peut être modifié le long de son parcours par des échanges avec la nappe alluviale à laquelle il est étroitement associé. Les échanges peuvent être dans les deux sens selon les états instantanés de hautes ou de basses eaux du cours d’eau ou de la nappe alluviale en un lieu donné.

Trois cas de relation hydrodynamique entre une nappe et une rivière existent :

  • la nappe alimente la rivière et le niveau piézométrique   est alors supérieur à l’altitude du plan d’eau
  • la nappe est alimentée par la rivière et le niveau piézométrique   est alors inférieur à l’altitude du plan d’eau
  • absence d’échanges entre la rivière et l’aquifère  , notamment en domaine non aquifère   ou lorsque le lit du cours d’eau est colmaté

Il n’existe à l’heure actuelle aucune cartographie à l’échelle du bassin ni même des régions du bassin, délimitant pour chaque cours d’eau les tronçons drainant la rivière et les tronçons en perte.

Ces trois cas peuvent se rencontrer le long d’un même cours d’eau. Pour une même portion de rivière, ces relations peuvent également changer dans le temps en fonction des substratums géologiques (passage à secteur karstifié), des conditions hydrologiques et hydrogéologiques. La nappe peut en effet alimenter la rivière en période d’étiage et la drainer en période de crue  .

Des cas intermédiaires peuvent aussi se rencontrer : le cours d’eau est déconnecté de la nappe mais des échanges se font par infiltration depuis le fond de la rivière ou lorsque, en période de crue  , le niveau du plan d’eau devient supérieur au niveau de la nappe et envahit une portion de zone non saturée située de part et d’autre du cours d’eau.

La prise en compte des interactions entre les eaux souterraines et les eaux de surface est importante pour leur gestion quantitative et qualitative. En effet, une nappe souterraine peut transmettre une pollution aux eaux de surface si elle est drainée par celles-ci. A l’inverse, les cours d’eau peuvent représenter une source majeure de contamination pour les eaux souterraines.

Généralement, les eaux de surface sont connectées hydrauliquement aux eaux souterraines mais les interactions sont souvent difficiles quantifier. Même si elles sont largement contrôlées par des processus naturels, les activités humaines peuvent avoir une influence sur ces relations du fait d’aménagements sur les cours d’eau ou de pompages. De forts pompages d’eau peuvent en effet entraîner une inversion du sens du gradient hydraulique.

La synthèse bibliographique nationale de référence sur le sujet

Une synthèse bibliographique a été réalisée à ce sujet par le BRGM en 2010 (rapport BRGM/RP-57044-FR).

Elle est focalisée sur les 4 thèmes suivants :

  • Relations entre la qualité d’une eau souterraine et la qualité d’une eau de surface  , en particulier en période d’étiage
  • Évaluation des échanges quantitatifs entre eau souterraine et eau de surface   : débits échangés, contribution des nappes aux débits en étiage, en hautes eaux, lors des crues
  • Impact des eaux souterraines sur les écosystèmes terrestres associés
  • Impact de l’exploitation des eaux souterraines sur la qualité biologique des cours d’eau

Il s’agit d’un document de référence sur ce sujet.

Il apparait que la majorité de échanges ont lieu dans la zone d’interface entre eau souterraine et eau de surface   (zone hyporhéique) dont le rôle s’avère fondamental tant du point de vue des relations quantitatives que qualitatives.

Concernant les interactions chimiques entre eau de surface   et eau souterraine et le rôle de la zone hyporhéique, ce rapport aborde les mécanismes de filtration qui sont susceptibles d’atténuer les pollutions et pour chaque catégorie de substances (métaux, micro-organismes, nitrates, produits phytosanitaires et autres molécules organiques) les mécanismes d’atténuation, le rôle des paramètres physico-chimiques, la spécificité des échanges nappe-rivière. La complexité de ces interactions rend difficile la caractérisation de la relation entre la qualité d’une nappe et celle d’un cours d’eau.

Un important chapitre a été consacré aux outils d’évaluation des échanges entre eau souterraine et eau de surface  , qu’ils s’agissent des outils de modélisation (modèles globaux et spatialisés pouvant intégrer le transport), des outils géochimiques, isotopiques et biologiques. Il est à noter que les travaux récents vont de plus en plus dans le sens d’une utilisation conjointe de ces outils.

Outils d’évaluation des échanges entre eau souterraine et eau de surface  

Il existe différents types d’outils susceptibles d’être utilisés pour évaluer les relations nappe-rivière (cf. Illustration 52 de l’étude Vernoux et al. 2010) dont les outils de modélisation, les outils géochimiques et les outils isotopiques.

Le tableau ci-dessous, réalisé dans le cadre de cet article, liste de façon non exhaustive, les outils/études qui ont été mis en œuvre dans le passé au sein du bassin Seine-Normandie pour évaluer les échanges entre eaux souterraines et eaux de surface :

Liste non exhaustive des outils/études mis en œuvre dans bassin Seine-Normandie pour évaluer les échanges entre eaux souterraines et eaux de surface (BRGM)

Un tour d’horizon par région de certains des résultats des études ainsi que la liste des études réalisées sur le bassin Seine-Normandie est disponible dans la note technique détaillée.

Modélisation des flux échangés entre les rivières et les nappes du bassin Seine-Normandie

Flipo et al. ont réalisé en 2013 une étude ayant pour objectif principal d’estimer les échanges nappe-rivière à l’échelle des masses d’eau cours d’eau (MECE) du bassin Seine-Normandie en contact avec des aquifères régionaux.

Pour cela, ils se sont appuyés, d’une part, sur une approche de modélisation développée dans le cadre de l’axe interfaces nappe-rivière du PIREN Seine, et d’autre part, sur différents types de modèles régionaux et locaux du Bassin de la Seine. Il s’agit d’une première étude exploratoire à l’échelle du bassin Seine-Normandie, ayant pour but de quantifier les échanges hydriques entre masses d’eau souterraines (MESO) et masses d’eau cours d’eau (MECE). Dans ce cadre, des indicateurs mensuels moyens ont été mis en place afin de caractériser l’incidence des échanges sur l’état des eaux du bassin.

Les résultats obtenus contribuent au rapportage de l’état des lieux de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) prévu fin 2013. Ils permettent, sous forme de données géographiques :

  • par MECE, de quantifier mensuellement les débits spécifiques d’échanges entre MESO et MECE
  • par MECE et sous l’hypothèse d’un transfert conservatif entre MESO et MECE, d’associer un indice de vulnérabilité à une contamination souterraine
  • par MESO, de quantifier annuellement les débits d’échange entre MECE et MESO
  • par MESO, d’associer un indice de vulnérabilité à une contamination provenant des MECE

NB : Si ces résultats donnent une estimation de la quantification des échanges nappes/rivières à l’échelle du bassin, ils sont en revanche à prendre avec précaution localement notamment dans les aquifères karstiques. En effet ce modèle part de l’hypothèse que le cas des nappes et rivières déconnectées est « quasiment absent du Bassin Parisien [et] correspond plutôt à des situations de climat aride où la nappe est alimentée par le réseau hydrographique ». Or ce cas est très fréquent notamment dans l’aquifère   de la craie   de l’ouest du Bassin Parisien où de nombreux affluents de la Seine sont partiellement déconnectés de la nappe (cas des rivières du Commerce, de la Risle, de l’Iton, de la Charentonne, de l’Avre,…). Le fait de négliger ces déconnections sous-estime la vulnérabilité des masses d’eaux souterraines aux eaux de surface. C’est donc le cas notamment pour les masses d’eaux FRGH211, FRH212, FRH202, FRH203 où les indices de vulnérabilité sont probablement optimistes. Les résultats simulés et les indices de vulnérabilités calculés sur ces bassins versants et masses d’eaux sont donc à prendre avec précaution.

Pour en savoir plus : quelques références bibliographiques

  • Vernoux J F., Lions J., Petelet-Giraud E., Seguin J.J., Stollsteiner P., Lalot E. (2011) – Contribution à la caractérisation des relations entre eau souterraine, eau de surface et écosystèmes terrestres associés en lien avec la DCE, rapport BRGM/RP-57044-FR, 207 p., 91 ill., 1 ann.
  • Flipo N., Labarthe B., Baratelli F. (2013) - Relations eaux souterraines – réseau hydrographique du bassin Seine-Normandie : Calcul des Anomalies de débit - Référence Géosciences : R141105NFLI ; Référence ARMINES : PFGING30823
  • La bibliographie complète des études sur le bassin Seine-Normandie est récapitulée dans le document téléchargeable « Tour d’horizon par région sur le bassin Seine-Normandie » : note technique détaillée.

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