Sommaire de l’article :
- Quelques éléments de géologie
- Les particularités des aquifères de socle
- Les aquifères de socle en Basse-Normandie
Quelques éléments de géologie
La bordure du Massif armoricain
Le domaine de socle en Basse-Normandie correspond au rebord nord-est du Massif armoricain, caractérisé par ses paysages vallonnés de bocage (bocage virois, Avranchin, …). Il est composé de terrains d’âge précambrien et paléozoïque (-670 à -295 Ma), plus ou moins déformés et structurés (schistes, gneiss…) au cours des orogenèses icartienne, cadomienne et varisque. Ils comportent des intrusions et des injections volcaniques cambriennes et des plutons granitiques.
A l’est (Calvados et Orne), les terrains carbonatés jurassiques et crétacés de la bordure occidentale du Bassin Parisien viennent surmonter et recouvrir les terrains du Massif armoricain.
- Carte géologique simplifiée du « socle » sur fond de carte géologique au 1/1 000 000e (BRGM)
Chronologie géologique du socle en Basse-Normandie
- Les vestiges de la chaîne icartienne (environ 2 milliard d’années) sont visibles très localement depuis le Cap de la Hague et les îles anglo-normandes. Aujourd’hui métamorphisés sous forme de gneiss, il s’agit d’anciens granites intrusifs dans des formations volcaniques et sédimentaires.
- La fin des temps précambriens et l’édification de la chaîne cadomienne (700 - 540 Ma) :
La fin du Précambrien voit la reprise d’une intense activité magmatique (granodiorites de Coutances et de Vire, basalte et andésite de Montsurvent) qui s’accompagne d’une puissante sédimentation silicoclastique (flyschs briovériens de la vallée de la Laize).
Vers 540 Ma, ces roches magmatiques et sédimentaires sont déformées, plissées et métamorphisées sous l’effet d’un plutonisme granitique. Ces évènements magmatiques, métamorphiques et tectoniques attestent de la formation d’une chaîne de montagne, la chaîne cadomienne (de Cadomus, ancien nom latin de la ville de Caen).
Les principaux affleurements des roches de la chaîne cadomienne, de type cordillère sont visibles dans le Cotentin et le Bocage normand.
- Les temps paléozoïques et la formation de la chaîne varisque (540 - 300 Ma) :
Les reliefs de la chaîne cadomienne générés par l’intense déformation de la croûte terrestre sont soumis à l’érosion. Les produits de démantèlement, riches en galets arrachés à la chaîne cadomienne, reposent en discordance sur les grès et schistes briovériens redressés et arasés.
Les sédiments cambriens attestent d’un premier ennoiement de la Normandie par une mer tropicale peu profonde dans laquelle s’installent localement de petits récifs d’organismes constructeurs, les stromatolites. Le Cambrien s’achève avec la mise en place de puissantes séries gréseuses et argileuses, d’abord en domaine marin puis en domaine continental.
Au début de l’Ordovicien, il y a environ 480 Ma, la mer revient, recouvrant beaucoup plus largement la Normandie, et une sédimentation sableuse de plateforme conduit à la mise en place des Grès armoricains qui arment la plupart des reliefs bas-normands du Massif armoricain (Signal d’Ecouves).
Depuis le Dévonien moyen et durant une partie du Carbonifère, du volcanisme et surtout des mouvements tectoniques importants attestent de la formation, entre 350 et 300 Ma, d’une nouvelle chaîne de montagne, la chaîne varisque. A l’échelle globale, les connaissances acquises conduisent à relier la formation de cette chaîne avec la collision de deux masses continentales (Gondwana au sud et Armorica au nord) consécutive de la fermeture d’espaces océaniques.
En Normandie, la formation de la chaîne varisque se traduit par plusieurs phénomènes géologiques :
- un plissement généralisé des terrains paléozoïques dont seules les gouttières synclinales (May-sur-Orne, Urville, zone bocaine) ont été préservées de l’érosion postérieure
- des manifestations volcaniques (nombreux filons de dolérite) ;
- une activité magmatique localisée dont témoignent les plutons granitiques de Flamanville, de Barfleur et d’Alençon
- La fin de l’histoire paléozoïque et les bassins permo-carbonifères (300 - 250 Ma) :
Si jusqu’alors l’histoire géologique de la Normandie se résume à des phases de compression conduisant à la formation de chaînes de montagne, la période post-varisque s’inscrit dans une ambiance moins chahutée où la mer va et vient dans un contexte global d’extension. Juste après son érection, la chaîne varisque subit une intense érosion. Les produits de démantèlement viennent alimenter lacs et zones marécageuses au droit d’étroits fossés subsidents, formant les couches de charbon qui furent exploitées au Molay-Littry durant le 19e siècle.
- Coupe synthétique des séries paléozoïques de Basse-Normandie (extrait du livret guide du congrès nationale de l’APBG. Caen 1998. L. Dupret, J. LeGall)
Les particularités des aquifères de socle
Les roches de socle sont à l’origine massives et très peu perméables. Postérieurement à leur formation, ces roches ont subi différents types de modifications physiques : fracturation d’origine tectonique, altération météorique, etc. Certaines de ces modifications, en créant des vides ou de la porosité , ont amélioré la capacité de ces formations à fournir de l’eau : augmentation du stockage et de la transmissivité . Elles expliquent l’existence de ressources en eau au sein de ces roches à faible ou moyenne profondeur (0-100 à 150 m) et la possibilité de l’existence d’autres types de ressources, à plus grande profondeur.
De par leur formation, les aquifères en contexte de socle présentent une structure discontinue et compartimentée, étroitement liée à leur passé, tant du point de vue de la nature de la roche mère (plus ou moins favorable vis-à-vis des processus d’altération ou de fracturation), que des modifications physiques subies. A l’échelle d’un forage , la discontinuité s’observe par les arrivées d’eau recoupées au cours de la foration : elles sont très locales, au niveau des fractures, sur quelques centimètres et rencontrées au sein d’une roche imperméable.
Pendant longtemps, les hydrogéologues ont cru que ces roches étaient exemptes d’eau. Ce n’est que dans les années 80 que la communauté scientifique s’intéresse à ces potentiels réservoirs d’eau souterraine. Il faudra attendre la fin des années 1990 pour découvrir le schéma conceptuel des aquifères de socle.
De fortes hétérogénéités verticales
L’altération des roches dures peut varier en fonction de plusieurs facteurs (tectoniques, chimiques, climatiques, lithologiques), l’altération des roches granitiques est relativement bien connue et détaillée ci-dessous.
Un aquifère composé de roche granitique est structuré verticalement en plusieurs compartiments qui sont du bas vers le haut :
- la roche saine et compacte, mais qui peut localement être traversée par des fractures d’origine tectonique
- la roche fissurée et fracturée, d’une épaisseur d’environ 10 à 15 m, est caractérisée par un réseau de fissures subhorizontales et subverticales denses qui diminue avec la profondeur
- une couche d’altérites composée de matériels argileux issus de l’altération de la roche mère. Cette couche peut être divisée en deux unités, les allotérites et les isaltérites, la première n’a pas conservé la texture de la roche mère tandis que la deuxième unité, plus perméable généralement, a conservé la structure de la roche mère
- un horizon latéritique qui peut être absent à cause de l’érosion
- Schéma conceptuel des aquifères de socle (R.Wyns, 1998 et 2004)
Les principales propriétés hydrodynamiques de la nappe
Au sein du substratum, l’eau circule au sein des fractures dans la roche massive, elle-même étant très peu perméable. Ce sont ces fractures qui donnent un caractère transmissif à cet horizon qui présente par ailleurs un faible emmagasinement (ou capacité de stockage).
Dans la roche fracturée et fissurée, seules quelques-unes des fractures de ce compartiment présentent des venues d’eau. Leur perméabilité est relativement homogène et c’est donc plus leur nombre que leur perméabilité relative qui conditionne la productivité de cet horizon. Ces fractures (perméables) contribuent pour 10 % à l’emmagasinement total, le reste étant fourni par les autres fractures (de moindre perméabilité).
Plus en surface, l’horizon d’altérites est peu perméable et doté d’une porosité significative entre 1 et plus de 15 %. Il assure de ce fait une fonction de stockage, lorsqu’il existe (c’est-à-dire non érodé) et lorsqu’il est saturé. C’est le cas dans les granites du bassin versant de la Sienne. Au contraire, dans le bassin versant de l’Orne, les arènes granitiques sont de très faibles capacités.
Une piézométrie très compartimentée
La piézométrie est très compartimentée. Elle suit généralement les reliefs, les bassins hydrogéologiques correspondant généralement aux bassins hydrologiques. Elle est très réactive aux pluies avec une recharge annuelle rapide en hiver, puis un tarissement pouvant être très prononcé.
La perméabilité des formations géologiques du socle étant faible, le réseau hydrographique est dense. Les faibles réserve en eau souterraine entraînent de très faibles soutiens d’étiage des cours d’eau s’écoulant au droit de ce secteur, quelques soient les formations géologiques traversées.
De nombreuses zones humides sont présentes dans les fonds de vallée, à la faveur des zones d’affleurement des nappes superficielles, sur une surface de l’ordre de 5 %. Elles font partie du paysage de bocage de la Basse-Normandie.
Les aquifères de socle en Basse-Normandie
Les aquifères de socle en Basse-Normandie constituent une mosaïques de petits systèmes imbriqués. Le référentiel des aquifères BDLISA en dénombre 63 au niveau local. Leur délimitation repose essentiellement sur les limites de bassins versants plus que sur la lithologie.
Un potentiel aquifère non négligeable
Les formations de socle en Basse-Normandie présentent des potentiels aquifères non négligeables, qui se manifestent à travers le soutien aux débits d’étiage des cours d’eau et qui diffèrent selon la nature des roches. On distingue :
- Les granites et auréoles de métamorphisme : dans le sud-Manche les complexes granitiques peuvent fournir des débits atteignant 50 m3/h dans le massif de Vire (ex : Vengeons) et dans les schistes tachetés en bordure du massif d’Avranches (ex : St-Loup)
- Les roches métasédimentaires (schistes, grès , siltites) : constituent la majeure partie du socle bas-normand, notamment dans le Nord Cotentin, avec le Val de Saire (débit de 20 à 30 m3/h), ou la zone du synclinal de Siouville (localement, débit de 50 m3/h et transmissivité de 10-3 m2/s)
- Les roches volcaniques : zones moins étendues, qui affleurent au nord de Coutances, où la formation de Montsurvent révèle des débits supérieurs à 30 m3/h (ex : La Vendelée)
Dans les aquifères de socle, les arrivées d’eaux profondes (30-100 m) sont généralement de bonne qualité protégées des pressions anthropiques, avec un développement des phénomènes de dénitrification. Néanmoins la présence d’éléments géogéniques, tels que le fer et le manganèse, et parfois l’arsenic et/ou l’antimoine (ex : Couville, la Vendelée, Val de Saire), peut contraindre la mise en exploitation de la ressource.
L’exploitation de la ressource
La combinaison de ces horizons et de leurs caractéristiques (géométrique, capacitive, transmissive) vont déterminer la capacité de l’aquifère à fournir de l’eau. Un forage , pour être productif, devra recouper des fractures dans la roche saine, seule possibilité de circulation significative des eaux au sein d’un milieu très peu perméable.
Les débits produits en zone de socle restent modestes (quelques dizaines de m3/h) et sont répartis géographiquement.