Caractérisation des stocks et identification des mécanismes de transfert de l’eau et des nitrates en zone non saturée
En 2008-2009, la DREAL Haute-Normandie, l’Agence de l’Eau Seine-Normandie et le BRGM ont mené avec la collaboration des Chambres d’Agricultures haut-normandes, une étude visant à déterminer les stocks de nitrate présents en zone non saturée (ZNS), à identifier les mécanismes d’infiltration de l’eau et des solutés dans la ZNS, et à y estimer les vitesses de circulation. Deux sites d’étude, respectivement situés dans les communes de Goderville (76) et Mousseaux-Neuville (27), ont été retenus pour cette étude. Un forage a été effectué sur chaque site et la méthodologie suivante a ensuite été appliquée :
- Mesure de l’activité tritium sur l’eau extraite des solides récupérés lors de la foration afin de déterminer la vitesse de migration de l’eau ;
- Mesure des teneurs en azote (nitrates) sur les mêmes solides ;
- Comparaison des profils tritium et nitrates et consultation de l’historique des pratiques culturales (détermination de pics de nitrates) afin d’estimer la vitesse de transfert des nitrates et de vérifier la cohérence des résultats ;
- Modélisation des transferts de l’eau et des nitrates afin de simuler les données observées et éventuellement de prévoir les évolutions du transfert des nitrates.
Evaluation des stocks de nitrates dans la zone non saturée
La réalisation des profils de concentration en nitrates permet d’estimer les stocks présents en zone non saturée. Le Tableau 1 représente les stocks de nitrates sur différentes portions des profils réalisés sur les deux sites d’étude. Les quantités cumulées d’azote (N-NO3) en fonction de la profondeur sont présentées en Figure 2.
- Tableau 1 : Stocks d’azote par tranches de ZNs sur les sites de Goderville et Mousseaux-Neuville (Arnaud, 2009)
- Figure 2 : Quantités cumulées d’azote en fonction de la profondeur à Goderville (gauche) et Mousseaux-Neuville (droite) (Arnaud, 2009)
La quantité moyenne d’azote par mètre de ZNS (de 160 kgN /ha /m) est probablement surestimée. En effet, les incertitudes du calcul et la non prise en compte de la pierrosité ne permettent pas une évaluation précise.
Estimation des vitesses et des modalités de transfert
La vitesse de transfert de l’eau dans la zone non saturée de l’aquifère crayeux peut être estimée grâce à la mesure de l’activité « tritium ». Le tritium, isotope radioactif de l’hydrogène, est un composant intrinsèque des molécules d’eau. La mesure de l’activité du tritium permet idéalement de déterminer un pic de présence le long du profil foré. Ce pic, associé à un maximum de concentration de tritium dans l’atmosphère en 1963 suite aux essais nucléaires, permet de fournir une estimation de la vitesse moyenne de transfert de l’eau.
La réalisation d’un profil de concentration en nitrates le long du forage permet également d’estimer sa vitesse de migration par différents moyens. D’abord, des comparaisons de profils nitrates plus anciens réalisés au même endroit peuvent fournir une première idée des vitesses de transfert. Ensuite, il est possible d’établir des corrélations entre les différents pics de nitrate observés et les pratiques culturales historiques de la zone d’étude. Dans les deux cas, la distance de migration, mise en relation avec une durée, permet d’obtenir une valeur hypothétique de vitesse de transfert des nitrates. Les résultats des deux sites d’étude concernant les vitesses de transfert sont présentés dans le Tableau 2.
- Tableau 2 : Résultats d’estimation des vitesses de transfert des nitrates en zone non saturée (Arnaud, 2009)
Une forte variabilité semble exister entre les deux sites concernant les vitesses de transfert. Les facteurs susceptibles d’influencer ces vitesses sont la recharge de la nappe (de fortes précipitations ou des cultures avec un fort apport en eau entraînent des vitesses plus importantes) et la nature du sous-sol (la présence de formations superficielles puissantes et de racines d’altération favorise la migration rapide des nitrates).
Des hypothèses concernant les modalités de transfert de l’eau en zone non saturée peuvent être formulées grâce à la synthèse des observations faites sur les différents profils réalisés. Les premières conclusions de l’étude, illustrées en Figure 2, sont les suivantes :
- A travers les formations superficielles : écoulement gravitaire couplé à un drainage horizontal vers les racines d’altération ;
- Ecoulement préférentiel via les racines d’altération ;
- Dans la craie :
- Ecoulement gravitaire dans le premier horizon de craie altérée et fissuré ;
- Flux matriciel très lent dans la craie saine ;
- Possible transfert via les fractures de la craie non saturée en cas de fortes recharges ;
- Des discontinuités sédimentaires (bancs de silex, surfaces indurées) peuvent affecter significativement les écoulements.
- Figure 3 : Schéma de principe hypothétique des écoulements en zone non saturée de l’aquifère crayeux (Arnaud, 2009)
Prévision de l’évolution de la qualité de l’eau
Des essais de modélisation des profils nitrate et tritium ont été tentés (logiciel Agriflux). La bonne simulation de ces profils aurait permis d’estimer l’influence des différents paramètres sur les quantités d’azote lessivé et les vitesses d’infiltration, mais les résultats ne sont pas exploitables.
Néanmoins, les deux sites étudiés montrent l’existence d’un front de nitrates en cours de transfert vers la nappe de la craie . Si ces stocks de nitrates passent en solution, des teneurs supérieures à la valeur réglementaire de 50 mg/L sont probables (sans tenir compte d’un éventuel effet de dilution dans la nappe). En revanche, les premiers mètres des profils sondés semblent indiquer une diminution des concentrations en nitrates, probablement due à une gestion plus responsable et mieux optimisée des fertilisations. Cette tendance permet d’envisager une amélioration de la qualité des eaux à moyen terme.