Aquifères de l’Eocène moyen et inférieur

Les formations de l’Éocène moyen et inférieur renferment un aquifère   multicouche composé des calcaires grossiers du Lutétien et des sables du Cuisien ou du Soissonnais de l’Yprésien.

Au nord de la Marne   et de la Seine, les réservoirs calcaires et sableux sont séparés par un niveau argileux plus ou moins épais et continu, permettant d’individualiser deux nappes d’eau souterraines. Ces nappes exploitées pour les besoins privés, en eau potable, agricoles et industriels sont étudiées depuis plusieurs décennies.

Plus au sud, les aquifères deviennent continus et la nappe « de l’Eocène moyen et inférieur » est considérée comme unique. Les réservoirs s’enfoncent progressivement sous les formations de l’Eocène supérieur et leur comportement hydrogéologique demeure peu connu.

La nappe de l’Eocène moyen et inférieur est présentée de façon synthétique sur le site Internet de la DRIEAT-IF

Sommaire de l’article :

  1. Quelques éléments de géologie
  2. L’aquifère du Lutétien
    1. Une nappe libre majoritairement
    2. D’importants changements de faciès
    3. Les fluctuations piézométriques pluriannuelles
    4. Un écoulement qui suit la topographie
    5. Les zones d’alimentation et exutoires de la nappe du Lutétien
    6. Les principales caractéristiques hydrodynamiques de la nappe du Lutétien
    7. L’exploitation de la nappe du Lutétien
  3. La présence des Argiles de Laon entre les deux réservoirs
  4. L’Aquifère de l’Yprésien
    1. Une nappe généralement libre, qui devient captive sous recouvrement imperméable
    2. Des fluctuations annuelles et pluriannuelles
    3. Des écoulements qui épousent le relief
    4. Les zones d’alimentation et exutoires de la nappe de l’Yprésien
    5. Les principales caractéristiques hydrodynamiques de la nappe de l’Yprésien
    6. L’exploitation de la nappe de l’Yprésien

Les terrains de l’Eocène moyen et inférieur caractérisent l’aquifère   multicouches du Calcaire   du Lutétien et des sables de l’Yprésien, principalement exploité au nord de l’Ile-de-France, en Parisis, Vexin, Valois et Soissonais.
Ce réservoir multicouches se retrouve dans la partie nord de la région parisienne, au nord de la Marne   et de la Seine, dans le Vexin, le pays de Thelle, le Valois, le Soissonnais, l’Orxois, le Multien, la Goële, le Parisis et l’Aulnoye.
Plus au sud, le réservoir s’enfonce progressivement sous les formations de l’Eocène supérieur et est alors moins étudié.
Il repose sur un substratum assez étanche des argiles plastiques yprésiennes.

Quelques éléments de géologie

Le Lutétien et l’Yprésien sont des étages géologiques occupant respectivement le milieu et la base de l’Eocène :

  • Le Lutétien supérieur est formé de marnes et caillasses (faciès plus marneux) tandis que le Lutétien moyen et inférieur est caractérisé par des calcaires grossiers, devenant sableux et glauconieux à la base
  • L’Yprésien comprend deux sous-étages : le Sparnacien à la base, composé essentiellement d’argiles entrecoupées de niveaux sableux, et le Cuisien au sommet, représenté par des sables

Les calcaires du Lutétien moyen constituent l’ossature rocheuse des plateaux tertiaires du nord du Bassin Parisien jusqu’aux vallées de l’Eure et de la Vesgre (Vexin, Valois, Soissonnais). Ils forment des corniches bien marquées qui dominent la plupart des vallées du Valois, du Soissonnais et du Tardenois (Oise, Basse-Seine, Marne   depuis Epernay jusqu’à l’agglomération parisienne).

Au nord du Bassin Parisien, les sables de l’Yprésien supérieur affleurent en limite d’extension des terrains éocènes et constituent les versants de nombreuses vallées, notamment dans le Vexin, le Noyonnais, le Soissonnais et le Tardenois. Dans le Valois et l’Orxois, les sables sont ponctuellement visibles dans les vallées les plus encaissées (Marne  , Ourcq et Clignon). Ils s’enfoncent ensuite sont les formations plus récentes et ne se retrouvent à l’affleurement qu’en limite est du bassin tertiaire.

Les sables du Soissonnais ou sables supérieurs ainsi que les sables de Sinceny se situent au sommet du Sparnacien. Ils sont souvent confondus avec les sables du Cuisien (Yprésien supérieur) et les coupes de forages ne distinguent que très rarement ces différents sables.

L’aquifère   du Lutétien

Les formations perméables du Lutétien moyen et inférieur forment un aquifère   épais de 20 à 50 m. L’épaisseur de cet aquifère   est de 30 à 40 m dans l’ensemble du Parisis et de 20 à 30 m dans le Valois. Les épaisseurs mouillées maximales, en zone de captivité, sont situées dans la Brie sous les vallées du Grand Morin, de l’Aubetin et de l’Yerres (supérieures à 50 m) et dans la fosse de Longjumeau (40 à 50 m).

Une nappe libre majoritairement

Le plus souvent en régime libre au nord du Bassin Parisien, le réservoir n’est pas entièrement saturé, même sous couverture imperméable. En effet, dans le Vexin, le Valois et le Soissonnais, la position topographique élevée du réservoir, liée à l’enfoncement des cours d’eau, favorise un drainage efficace de la nappe. Le drainage se fait également par les nombreuses vallées qui recoupent l’aquifère   et le long desquelles apparaissent des sources parfois importantes.

La captivité de la nappe peut être considérée dès que le niveau piézométrique   atteint le mur des marnes et caillasses du Lutétien supérieur sus-jacent. Dans le nord et le nord-est de l’Ile-de-France, le réservoir calcaire   est mouillé sur toute son épaisseur et la nappe devient captive. Il n’est dénoyé que sur certaines zones anticlinales et sur les flancs des vallées de la Seine, en aval de Paris, de l’Oise et de la Marne   en amont de Meaux.

Le toit de l’aquifère   des calcaires et sables du Lutétien peut être considéré comme étant la base :

  • des marnes et caillasses du Lutétien supérieur si l’on considère le contraste de perméabilité verticale / horizontale ;
  • des marnes infra-gypseuses du Bartonien, dans le Marinésien, lorsqu’il peut y avoir des échanges hydrauliques au travers des marnes et caillasses.

D’importants changements de faciès

Les limites de l’aquifère   du Lutétien sont réduites par les changements de faciès. Ainsi, au sud d’une ligne Houdan – Arpajon – Corbeil-Essonnes – Coulommiers, la nappe des calcaires du Lutétien n’est plus représentée dans sa propre individualité.
A l’est, au niveau du plateau de la Brie, les formations du Lutétien deviennent lacustres, calcaires ou marneuses et s’intègrent à l’aquifère   multicouche du Champigny.

Au sud, les calcaires du Lutétien et du Bartonien sont considérés comme un seul ensemble abritant l’aquifère   des « calcaires éocènes ». Au niveau du plateau de Beauce, l’absence de forages suffisamment profonds ne permet pas de connaître avec précision l’extension de l’aquifère   du Lutétien.

Les fluctuations piézométriques pluriannuelles

Les chroniques piézométriques montrent des amplitudes sont peu marquées sur la nappe du Lutétien, même en régime libre et en plateaux. Les chroniques piézométriques montrent des comportements hydrogéologiques différents selon les secteurs.

Globalement, les fluctuations annuelles se superposent à des cycles pluriannuels.

Chronique piézométrique de la nappe des sables de l’Yprésien supérieur à 01287X0017/S1 Fresnoy-le-Luat (60) (ADES)

Cependant, à Villers-Cotterêts (02), Vivières (02) et Villers-Saint-Frambourg (60), les fluctuations saisonnières de la nappe du Lutétien sont pratiquement inexistantes et seules apparaissent les variations interannuelles, c’est-à-dire les périodes exceptionnelles d’étiages et de hautes eaux. Ce phénomène traduit une forte inertie du réservoir et probablement un mauvais drainage local et caractérise une nappe libre étendue aux réserves importantes.

Chronique piézométrique de la nappe des sables de l’Yprésien supérieur à 01293X0071/S1 Villers-Cotterêts (02) (ADES)

Un écoulement qui suit la topographie

Les anciennes synthèses régionales existantes présentent la piézométrie d’un système unique dit de « l’Eocène moyen et inférieur » qui regroupe les sables de l’Yprésien et les calcaires du Lutétien. Des campagnes piézométriques ont été réalisées sur les nappes distinctes du Lutétien et de l’Yprésien supérieur sur l’ensemble du Bassin Parisien en 2013 (basses eaux) et 2014 (hautes eaux).

D’après les cartes piézométriques, les eaux souterraines suivent globalement la topographie de surface.

Les gradients hydrauliques sont influencés par le relief quelquefois abrupt formé par les cuestas lutétiennes, par la discontinuité dans la perméabilité des terrains et par le phénomène de drainance induit par les sables sous-jacents. Les profils piézométriques présentent alors une allure de « marches d’escaliers » plus ou moins arrondies. Les fluctuations sont tributaires de l’intensité des précipitations   avec des remontées et des vidanges rapides et des évolutions interannuelles peu prononcées souvent inférieures à 3 m.

Les circulations des eaux souterraines montreraient, notamment dans le bassin de l’Automne, l’existence probable d’un pseudo-karst.

Lien vers les cartes piézométriques de la nappe de l’Eocène moyen et supérieur.

Les zones d’alimentation et exutoires de la nappe du Lutétien

L’alimentation de la nappe se fait par l’impluvium direct à partir des affleurements, très étendus dans le nord du Bassin Parisien ou bien par déversement et réinfiltration ou encore par drainance des nappes sus-jacentes (percolation lente à travers les marnes et caillasses). Dans la zone d’affleurement ou de faible recouvrement des terrains du Lutétien, les crêtes piézométriques sous les plateaux traduisent l’alimentation par les pluies efficaces. En zone de captivité, sous recouvrement des marnes et caillasses du Lutétien supérieur, les cartes piézométriques traduisent une alimentation par drainance.

Les temps de renouvellement peuvent être très variables, selon si les calcaires du Lutétien affleurent (bordures et nord du Bassin Parisien) ou se trouvent sous recouvrement de formations semi-perméables ou imperméables.

Dans le nord du Bassin Parisien, des émergences de type déversement sourdent à flanc de coteau au-dessus des argiles de Laon (Yprésien supérieur), la nappe étant alors en position perchée (plateau du Soissonnais). D’autres sources, de type débordement, s’écoulent en fond de vallée au contact avec des alluvions   semi-perméables lorsque les bancs de calcaires affleurent et la nappe peut même y devenir artésienne  . Les sources de déversement, disséminées et sortant à flanc de coteau, ont des débits relativement faibles (1 à 10 m3/h) ; les sources de débordement, plus localisées, peuvent atteindre en hautes eaux des débits supérieurs à 100 m3/h (bassins de la Nonette, de l’Ourcq, de l’Automne). Ces dernières sont assez fréquentes dans le Valois où des sources artésiennes à forts débits peuvent être présentes en fond de vallée au débouché de conduits karstiques, comme par exemple les sources du Ru Sainte-Marie près d’Auger-Saint-Vincent.

L’examen de la morphologie de la surface piézométrique   montre le rôle important joué par les vallées dont les cours d’eau drainent la nappe : la Marne  , la Seine, la Remarde. Ce phénomène serait général même dans les zones de captivité de la nappe. Dans Paris, les alluvions   reposent directement sur les calcaires du Lutétien ou les argiles et sables de l’Yprésien. La nappe des alluvions   assure alors une transition entre les eaux superficielles de la Seine et les eaux souterraines des nappes éocènes.

Les principales caractéristiques hydrodynamiques de la nappe du Lutétien

Bien que la perméabilité d’interstices prédomine à la base plus sableuse du réservoir, la perméabilité de fissures régit les écoulements souterrains à travers le calcaire   qui peut même localement présenter une certaine karstification (Valois et région de Senlis). Ainsi, les formations calcaires dans les vallées de l’Automne, de la Viosne et de l’Aubette s’apparentent à des micro-karsts. Ces hétérogénéités de structure et de faciès se répercutent sur la transmissivité   du réservoir qui peut atteindre des valeurs élevées (plus de 10-2 m2/s) dans les calcaires fissurés, diaclasés, et descendre à 10-4 m2/s dans les bancs marneux, lités et poreux. De même, selon l’implantation d’un forage  , le débit   spécifique pourra atteindre voire même dépasser 100 m3/h/m s’il recoupe des fissures importantes mais sera d’à peine 1 m3/h/m s’il capte la roche compacte.

Lorsque les sables de l’Yprésien supérieur sont en communication hydraulique avec les calcaires du Lutétien, leur productivité est accrue. A contrario, leur profondeur croît sous les plateaux et vers le centre du Bassin Parisien et accentue la captivité du réservoir qui devient moins productif. Ainsi, la transmissivité   totale de l’aquifère   multicouche varie de 5 à 10.10-3 m2/s au centre du bassin de Paris (Mégnien, 1979). Au nord-est de Paris, la transmissivité   est bonne (10-2 à 10-3 m2/s), du fait surtout de l’épaisseur des formations, mais dans le reste de l’Ile-de-France, la transmissivité   est plutôt comprise entre 10-3 à 10-4 m2/s (Vernoux, 2006).

  • Conductivité hydraulique

Perméabilité horizontale : 0,3 à 3.10-4 m/s dans le secteur de la Porte Maillot (Mégnien, 1970)
Perméabilité verticale : 10-6 à 2.10-7 m/s dans le secteur de la Porte Maillot (Mégnien, 1970)

8.10-3, 4.10-3 et 8.10-2 dans le Valois dans l’Oise (BSS)
2.10-2, 5.10-2 et 1.10-1 dans le Multien et le Soissonnais dans l’Aisne (BSS)
0,1 à 9.10-3 m2/s (moyenne 2,5.10-3 m2/s) dans le Multien (Vernoux, 2006)
6.10-5 m2/s (Lutétien captif) à 9.10-5 m2/s (Lutétien libre) dans la fosse de Saint-Denis (Mégnien, 1970)
5.10-3 m2.s-1 en moyenne dans le centre du bassin de Paris (Mégnien, 1979)
1,24.10-3 m2/s (essai sur 1 puits  ) dans le secteur des Halles à Paris (Mégnien, 1979)
2,2.10-3 m2/s (essai sur 1 puits  ) dans la vallée de la Marne   à Chessy (Mégnien, 1979)
4,3.10-3 m2/s (moyenne sur 8 puits  ) dans le Goële et le Multien (Mégnien, 1979)
6.10-5 à 9.10-2 m2.s-1 (médiane de à 5.10-3 m2.s-1) dans Paris-nord et le Parisis (Mégnien, 1979)
2 à 6.10-3 m2/s dans le synclinal de l’Eure, et 10-2 m2/s à Cressay dans les émergences artésiennes des cressonnières : 8.10-3 m2/s à Villers-Saint-Frédéric, 6.10-3 m2/s à Prunay-le-Temple (Mégnien, 1979)

0,5% et 1% dans le Multien et le Soissonnais dans l’Aisne (BSS)
0,35% et 0,28% dans la fosse de Saint-Denis (Mégnien, 1970)
3,3% (essai sur 1 puits  ) dans le secteur des Halles à Paris, caractéristique d’une nappe libre (Mégnien, 1979)

L’exploitation de la nappe du Lutétien

Dans le Soissonnais, la rareté des ouvrages captant les calcaires du Lutétien s’explique par un réservoir peu étendu et souvent sec.

La densité des points d’eau devient forte au droit du Valois, du Tardenois, du Multien et de l’Orxois. Les ouvrages se concentrent dans les vallées et sur les plateaux qui voient affleurer les calcaires ou les marnes et caillasses du Lutétien. En effet sur les plateaux bartoniens, les puits   agricoles et privés captent la nappe superficielle de l’Eocène supérieur et les captages d’eau potable sont implantés dans la craie   de la vallée de la Marne  . Quelques forages agricoles et d’eau potable exploitent le Lutétien sur ces plateaux, notamment dans le Valois et le Multien.

Dans le Vexin, les aquifères du Lutétien et de l’Yprésien supérieur sont vraisemblablement en continuité et les niveaux d’eau se situent souvent dans les sables de l’Yprésien supérieur.
Aux alentours de Paris et dans la vallée de l’Oise, la plupart des forages appartiennent à des industriels et ont été comblés suite aux réaménagements urbains. A l’est de Paris, quelques golfs prélèvent les eaux souterraines du Lutétien pour l’irrigation.

En Brie Champenoise, comme dans l’Orxois, les points d’eau du Lutétien sont implantés presque uniquement dans les vallées de la Marne  , du Petit Morin et du Grand Morin où les calcaires lutétiens sont moins profonds.

La nappe du Lutétien en Brie Française, en continuité avec celle du Bartonien à l’est et du Priabonien (Ludien) au sud-est, est captée principalement pour l’eau potable mais également pour l’irrigation. Des puits   privés ont été creusés en limité est, le Lutétien étant alors peu épais et les niveaux d’eau se mesurent au droit des formations du Bartonien. Lorsque les formations aquifères de l’Yprésien supérieur sont présentes, les niveaux crépinés peuvent se poursuivre dans les sables.

Entre le Mantois et l’Hurepoix, les ouvrages implantés dans les calcaires du Lutétien se font rares.

Enfin, dans la Beauce, les calcaires profonds du Lutétien deviennent détritiques et arrivent en limite d’extension. Les forages s’arrêtent dans les sables de Fontainebleau ou se poursuivent jusqu’à la craie  .

La présence des Argiles de Laon entre les deux réservoirs

Au toit des sables du Cuisien de l’Yprésien supérieur apparaît, de façon discontinue, un banc d’argile   ligniteuse. Au nord du Bassin Parisien, ce banc est connu sous le terme « Argiles de Laon » et il est alors plus continu et épais (1,5 à 5 m, voire 10 m vers Laon) et s’intercale entre les sables du Cuisien et les calcaires du Lutétien.

Ces argiles de Laon (Yprésien supérieur) forment alors à une échelle très locale, lorsqu’elles sont présentes (nord du Bassin Parisien), le mur des calcaires du Lutétien. Elles déterminent, sur les versants des plateaux et des buttes tertiaires, un niveau humide marqué par une végétation hydrophile. Des émergences de type déversement sourdent à flanc de coteau au-dessus des argiles de Laon (Yprésien supérieur), la nappe des calcaires du Lutétien étant alors en position perchée (plateau du Soissonnais).

L’épaisseur des argiles de Laon se réduit vers l’ouest et le sud (0 à 3 mètres). Les argiles n’apparaissent parfois que sous la forme de lambeaux au sommet des sables du Cuisien et ne constituent pas un horizon imperméable mais plutôt une éponte semi-perméable.

En l’absence des argiles de Laon continues et épaisses, les sables de l’Yprésien supérieur sont en communication hydraulique directe avec les calcaires inférieurs du Lutétien. Bien que formant des couches géologiques distinctes, les sables de l’Yprésien ne peuvent alors être dissociés du calcaire   du Lutétien sur le plan hydraulique.

L’aquifère   de l’Yprésien

La nappe de l’Yprésien supérieur regroupe les différents aquifères sableux du Cuisien (Yprésien supérieur) et du Sparnacien supérieur (Yprésien inférieur).

Selon la géologie, deux sous-ensembles peuvent être définis au sein du réservoir des sables de l’Yprésien supérieur :

  • au nord de l’axe de Meudon, un sous-ensemble continu, sableux, relativement homogène
  • au sud de cet axe et sous la Brie, un sous-ensemble hétérogène, discontinu et plus argileux, mal défini. La limite extrême du réservoir, au sud-est, se situe à l’apparition des conglomérats, à partir du Loing

Au nord de l’axe de Meudon, l’épaisseur de la formation sableuse de l’Yprésien, pouvant atteindre 50 à 70 m, assure une réserve en eau importante. Mises à part à proximité des affleurements, l’aquifère   des sables est toujours entièrement saturé.

Une nappe généralement libre, qui devient captive sous recouvrement imperméable

Le régime de la nappe est généralement libre sur les bordures, mais devient captif en présence de formations imperméables sus-jacentes : argiles de Laon de l’Yprésien supérieur au nord du Bassin Parisien.

La captivité de la nappe peut être considérée dès que le niveau piézométrique   atteint le mur des marnes et caillasses du Lutétien supérieur. Dans le nord et le nord-est de l’Ile-de-France, la nappe devient captive au nord de Paris et le reste pratiquement partout en Ile-de-France à l’exception de certaines zones anticlinales.

Le mur de la nappe est constitué par les formations argileuses du Sparnacien (Yprésien inférieur), semi-perméables au nord et au sud à imperméables au centre du Bassin Parisien :

  • Fausses glaises ou faluns à huîtres et cyrènes
  • Argile   plastique ou bariolée
  • Sables et argiles à lignites du Soissonnais

Le toit de l’aquifère   des sables de l’Yprésien supérieur peut être considéré comme étant la base :

  • des argiles de Laon (Yprésien supérieur), à une échelle locale, lorsqu’elles sont présentes (nord du Bassin Parisien)
  • des marnes et caillasses du Lutétien supérieur si l’on considère le contraste de perméabilité verticale / horizontale
  • des marnes infra-gypseuses du Marinésien (Bartonien), lorsqu’il peut y avoir des échanges hydrauliques au travers des marnes et caillasses

Des fluctuations annuelles et pluriannuelles

Les chroniques piézométriques montrent des fluctuations annuelles marquées et pluriannuelles. Les amplitudes sont peu marquées sur la nappe de l’Yprésien supérieur, même en régime libre et en plateaux.

Chronique piézométrique de la nappe des sables de l’Yprésien supérieur à 00836X0007/P Barisis (02) (ADES)

Des écoulements qui épousent le relief

Des campagnes piézométriques ont été réalisées sur les nappes distinctes du Lutétien et de l’Yprésien supérieur sur l’ensemble du Bassin Parisien en 2013 (basses eaux) et 2014 (hautes eaux).

D’après les cartes piézométriques, les eaux souterraines suivent globalement la topographie de surface. La nappe des sables de l’Yprésien supérieur est drainée par les grandes rivières structurantes : l’Oise, l’Aisne, la Marne  , la Seine, la Remarde. Ce phénomène est général même dans les zones de captivité de la nappe.

Tandis que les gradients hydrauliques sont faibles en Ile-de-France (0,4% dans le Parisis et 0,25% dans la vallée de la Marne   au nord de Meaux), ils peuvent être assez élevés au nord du bassin (2% dans le Vexin), surtout à l’approche des vallées (8 à 10%).

Lien vers les cartes piézométriques de la nappe de l’Yprésien supérieur.

Les zones d’alimentation et exutoires de la nappe de l’Yprésien

L’alimentation de la nappe se fait par l’impluvium direct à partir des affleurements, très étendus au nord du Bassin Parisien, à l’aplomb des réservoirs calcaires sus-jacents en l’absence de toit imperméable (argiles de Laon) ou bien par déversement et réinfiltration ou encore par drainance des nappes sus-jacentes. Dans la zone d’affleurement ou de faible recouvrement des couches du Lutétien-Yprésien, les crêtes piézométriques sous les plateaux traduisent l’alimentation par les pluies efficaces. En zone de captivité, sous recouvrement des marnes et caillasses du Lutétien supérieur, les cartes piézométriques traduisent une alimentation par drainance.

De nombreuses sources émergent des sables, dans le Vexin, le Noyonnais et le Soissonnais : les sources de déversement sourdent au contact des argiles de base et sous les colluvions qui tapissent les dépressions et les sources de débordement naissent au contact des alluvions   dans les vallées entaillant suffisamment le massif. Ces sources sont fréquentes mais généralement de faible débit   (quelques l/s) et donnent souvent naissance à des rus au fond des nombreuses mais courtes vallées qui entaillent le réservoir.

L’examen de la morphologie de la surface piézométrique   montre le rôle important joué par les vallées dont les cours d’eau drainent la nappe : l’Oise, l’Aisne, la Marne  , la Seine, la Remarde. Ce phénomène serait général même dans les zones de captivité de la nappe. Dans Paris, les alluvions   reposent directement sur les calcaires du Lutétien ou les argiles et sables de l’Yprésien. La nappe des alluvions   assurent alors une transition entre les eaux superficielles de la Seine et les eaux souterraines des nappes éocènes.

Les principales caractéristiques hydrodynamiques de la nappe de l’Yprésien

La perméabilité d’interstices des sables varie en fonction de la granulométrie du sable   et de l’abondance d’argile  . C’est dans la partie médiane de la formation que les caractéristiques sont optimales, et au nord du Bassin Parisien, sachant que les sables deviennent fins et se chargent en argile   à l’est et sous la Brie.

Au nord du Bassin Parisien, les argiles de Laon s’intercalent entre les sables de Cuise et les calcaires du Lutétien, et la perméabilité d’interstices des sables ferait du Cuisien un réservoir moyennement productif.

Lorsque les sables sont en communication hydraulique avec les calcaires du Lutétien, leur productivité est accrue. A contrario, leur profondeur croît sous les plateaux et vers le centre du Bassin Parisien et accentue la captivité du réservoir qui devient moins productif. Ainsi, la transmissivité   totale de l’aquifère   multicouche varie de 5 à 10.10-3 m2/s au centre du bassin de Paris (Mégnien, 1979). Au nord-est de Paris, la transmissivité   est bonne (10-2 à 10-3 m2/s), du fait surtout de l’épaisseur des formations. Dans le reste de l’Ile-de-France, la transmissivité   est plutôt comprise entre 10-3 à 10-4 m2/s (Vernoux, 2006).

  • Conductivité hydraulique
    3,3.10-4 m/s dans la vallée de la Marne   à Chessy (Mégnien, 1979)
    1.10-4 m/s (essai sur 1 puits  ) dans le Vexin à Nesles-la-Vallée
    2.10-4 et 10-4 m/s dans le bassin de l’Automne (Henot, 1977)
  • Porosité  
    45% dans le bassin de l’Automne (Henot, 1977)
  • Transmissivité  
    1 à 5.10-3 m2.s-1 dans le centre du bassin de Paris, selon la puissance des horizons sableux (Mégnien, 1979)
    10-4 à 3.10-2 m2.s-1 (moyenne de 9.10-3 m2.s-1 sur 32 mesures) en Picardie (BSS)
    0,3 à 7.10-3 m2/s (2.10-3 m2/s en moyenne) dans le Multein (Vernoux, 2006)
    1,5.10-3 et 0,910-3 m2/s dans le secteur des Halles à Paris (Mégnien, 1979)
    5.10-3 m2.s-1 dans la vallée de la Marne   à Chessy (Mégnien, 1979)
    5.10-3 m2/s (médiane sur 7 forages) dans la Goële et le Multien (Mégnien, 1979)
    0,1 à 7.10-3 m2.s-1 dans Paris-nord et le Parisis (Mégnien, 1979)
    2,3.10-2 et 3,5.10-3 m2/s (essai sur 3 puits  ) dans le Parisis à Goussainville (Mégnien, 1979)
    3.10-3 m2/s (essai sur 1 puits  ) dans le Vexin à Nesles-la-Vallée
    2,3 à 60.10-3 m2/s dans la fosse de Saint-Denis, (ANTEA, 1997 ; d’après Vernoux, 2006)
    2,5.10-2 m2/s dans la fosse de Draveil à Ris-Orangis (BRGM/72SGN222BDP)
  • Coefficient d’emmagasinement   :
    10-4 à 6.10-2 (moyenne de 9,6.10-3 sur 29 mesures) en Picardie (BSS)
    3.10-4 et 7.10-4 à Paris dans le secteur des Halles à Paris, caractéristique d’une nappe captive (Mégnien, 1979)
    4.10-4 à Saint-Thibault-les-Vignes et 1 à 2.10-4 à Torcy dans la Goële et le Multien (Mégnien, 1979)
    5.10-5 dans la fosse de Draveil à Ris-Orangis (BRGM/72SGN222BDP).

L’exploitation de la nappe de l’Yprésien

La densité de points d’eau captant les sables de l’Yprésien supérieur est très forte dans les secteurs où l’aquifère   est peu profond, et notamment en limite d’extension de l’aquifère   et en vallées (affleurements des sables du Cuisien) : Soissonnais, Tardenois, Clermontois, Vexin et plateau de Madrie (Haute-Normandie). Sur ces secteurs, les puits   sont essentiellement privés et ne sont qu’occasionnellement pompés (arrosage des jardins). Cependant, de nombreux puits   privés peu profonds auraient été rebouchés suite à l’arrivée de l’eau potable ou se seraient effondrés, notamment dans le Soissonnais. Sur les plateaux du Tardenois et du Vexin, les irrigants prélèvent dans l’aquifère   de l’Yprésien supérieur.

Dans le Valois, le Multien, l’Orxois et la Brie Champenoise, les cours d’eau principaux ont entaillés les formations sus-jacentes. De nombreux puits   privés et communaux creusés dans les sables de l’Yprésien supérieur se retrouvent dans les vallées de l’Oise, de l’Automne, de la Marne   et de l’Ourcq. Cependant, au droit des plateaux, les formations de l’Yprésien se retrouvent sous recouvrement et les puits   exploitent préférentiellement les nappes sus-jacentes (forages agricoles dans le Bartonien) ou la nappe de la craie   dans la vallée de la Marne   (captages d’eau potable). Les ouvrages captant les sables de l’Yprésien supérieur deviennent rares.

Dans le Parisis, suite à l’arrêt des industries, la plupart des forages ont été arrêtés et sont probablement rebouchés. En banlieue est de Paris, de nombreux sites industriels ont été reconvertis (gares, supermarchés, parking…) tandis qu’au nord, l’aquifère   est principalement exploité pour l’eau potable.

Dans le nord-est de la Brie, les sables de l’Yprésien supérieur disparaissent. Plus au sud, les niveaux marneux du Lutétien et du Bartonien disparaissent. Les aquifères lutétien et yprésien supérieur se retrouvent en continuité avec ceux du Bartonien et du Priabonien (Ludien) pour former l’aquifère   du Champigny. Les crépines des forages agricoles et d’eau potable sont souvent positionnées au droit de l’ensemble de ces formations.

Les formations de l’Yprésien deviennent profondes dans le Mantoix et l’Hurepoix et il n’existe quasiment aucun ouvrage crépiné au droit de l’Yprésien. Entre Rambouillet et Etampes, les sables de Fontainebleau affleurant se retrouvent en continuité avec les sables de l’Yprésien.

Vers Fontainebleau, quelques ouvrages sont présents à la faveur de zones d’affleurements. Les formations de l’Yprésien laissent alors place au poudingue   de Nemours entre l’Yonne et le Loing ou aux marnes de Nemours entre Fontainebleau, Etampes et Pithiviers.

Pour en savoir plus :

La bibliographie spécifique à l’aquifère de l’Éocène moyen et inférieur est consultable sur l’espace Bibliographie du SIGES

Les cartes piézométriques de l’aquifère de l’Éocène moyen et inférieur sont téléchargeables depuis l’article « Isopièzes de l’Éocène moyen et inférieur »

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